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mercredi 8 janvier 2014

VII. Marguerite de Saunhac, dame de Messillac



Marguerite de Saunhac, la dame aux trois maris

C'est la trisaïeule paternelle de Catherine de Montservier, (dont sont reproduites les preuves des huit quartiers d'alliances au chapitre IV), une ancêtre de ma grand-mère Lemerle.


Sa vie est évoquée par l'abbé Poulhès dans son "Histoire de Raulhac" (1907).




Marguerite, fille de Gui de SAUNHAC et de Jacquette de MONTAMAT, est née en 1550 au château de Messillac, dont elle est l'héritière par sa mère. Le château existe toujours sur son promontoire dominant le Goul : il conserve un vieux donjon du Moyen Age et un magnifique escalier.

 
La forteresse a été remaniée à la Renaisance (vers 1530) par Jean de MONTAMAT, grand père maternel de Marguerite, dont on peut encore de nos jours voir le buste au-dessus de la porte d’entrée . 





Marguerite a été tenue sur les fonts baptismaux, le 19 mars 1550, par son oncle Clément de SAUNHAC, seigneur de Belcastel, et sa grand-mère maternelle Marguerite de BEAUCLAIR.


Il semble que Marguerite ait perdu ses parents  très jeune, elle est fille unique, et elle se retrouve assez riche pour faire un mariage d'inclination. A seize ans, elle épouse, le 11 septembre 1566, noble François du Port, originaire du Quercy. Le contrat est passé à Messillac devant Jacques COFFINHAL, notaire de Mur-de-Barrez.


On sait peu de choses de François du Port, mort avant 1574 en laissant quatre filles. Il se signale seulement par quelques actes notariés. Le 28 décembre 1571, il passe un accord amiable devant Me Etienne de Monjou, avec Annet de FONTANGES, seigneur de Cropières, qui agit au nom de son oncle Annet protonotaire: il y avait procès au sujet de patronage et droits honorifiques, droit de sépulture et litre seigneuriale, dans la chapelle Notre-Dame de l'église de Raulhac. Le bailliage de Vic a donné raison à François du PORT, mais le parlement de Paris, à Annet de FONTANGES. C'est uniquement une question de préséance, l'honneur est sauf, dans l'arrangement: Annet garde la chapelle et ses droits, mais François du PORT a droit d'y faire dire des messes (AD 15 263 F 29 pièce 38 cité in« Famille de Fontanges» de Claude Grimmer).



Le veuvage de Marguerite fut de courte durée. Le 5 septembre 1574, elle épouse par contrat reçu par Salvages, passé au château de Caillac, Charles de BARBEZIÈRES seigneur dudit lieu et de Boisbreton, écuyer des écuries de la reine et capitaine d'une vieille compagnie de gens à pied. Assistent au contrat noble Jean de DIENNE, chevalier de l'ordre du roi, Antoine de CABANNES, sieur de la Servière, Jean OUVRIER, sieur de la Morèze. ( Arch. de Messillac. D'après abbé Poulhès «Le vieux Raulhac» II, p. 120 )


En 1577, le duc d'Anjou, frère du roi, a fait reculer les protestants du capitaine MERLE qui ont quitté la Basse Auvergne : Issoire a été reprise, rasée, anéantie. Charles de BARBEZIERES, qui combat aux côtés de la noblesse catholique fidèle au roi, tombe dans une embuscade au cours de l’été 1577. 


Près de Thiézac, s'ouvre le passage difficile des gorges où les catholiques, cachés et dispersés dans la montagne attaquent les protestants. MERLE, fin stratège, ne voit d'issue que dans la fuite, il ordonne de couper les attelages, d'abandonner le convoi et de fuir. Mais en dix ans de guerre, il a appris à connaître les hommes: sorti du défilé, il ordonne de faire demi-tour, certain de retrouver les ennemis regroupés, occupés à s'enivrer et à se servir, sans poursuivre leur avantage: ce fut un massacre des catholiques, commandés par le sieur de Neyrebrousse (Charles de BREZONS capitaine gouverneur du château de Murat) : les sieurs de Plaignes (Pierre de RIBIER), de Roussières, de Fontanges, de Messillac  (Charles de BARBEZIERES) sont tués.




Marguerite de Saunhac, dame de Messillac, de nouveau veuve est un beau parti. C'est, dit-on, le baron François-Robert de LIGNERAC, bailli et lieutenant du roi en Haute Auvergne, gouverneur d'Aurillac qui lui présente Raymond CHAPT de Rastignac. Celui-ci est un vaillant capitaine. De Thou parle de son infatigable courage, «vir indefessae virtutis» mais sa réputation est sulfureuse. «On souloit l'appeler le comte Raymond par sobriquet, car c'est un cadet de la maison de Rastignac en Périgord. Il a commis en sa jeunesse, infinis excès contre la justice pour lesquels il auroit été condamné en effigie aux Grands Jours tenus à Périgueux, dont il auroit obtenu une abolition générale par la faveur du duc de Guise, qui l'auroit, par là, acquis son très-affectionné serviteur (Mémoires du président de Vernyes en 1593 p.67).»


Le troisième mariage est conclu par contrat devant Etienne de Montjou, notaire de Raulhac, le 16 août 1579.


1579, la guerre civile reprend de plus belle, après une sixième trêve. LIGNERAC et les seigneurs auvergnats ont adhéré en nombre à la Ligue, mais Rastignac n'a pas suivi son protecteur. Persuadé que le parti du roi est le plus assuré, le plus honnête et le plus riche, il soutient la cause catholique contre les protestants et contre les ligueurs. Il est appelé partout où une ville est assiégée, Mur de Barrez, Aurillac, Entraygues où il est blessé en 1588, au cours d'un siège de 12 jours.


Marguerite de SAUNHAC voit alors les combattants, débarquer au château où vient se réfugier  blessé Jean de DIENNE, qui fut témoin de son second mariage. Il a été atteint d'un coup d'arquebuse devant Mur-de-Barrez et meurt à Messillac le 4 août 1580, cinq jours après. 


Messillac est à 20 km de Carlat où la reine Margot s'est réfugiée pendant l'hiver 1585-86, dans ce pays où «elle est allée trouver les muletiers et les chaudronniers», d‘après Henri III dans le Divorce satyrique. La reine est arrivée en piteux équipage, venant d'Agen, avec LIGNERAC qui lui a fait connaître ses amis de Messillac.


A cette époque mouvementée, les salons de Messillac s'ouvrent aussi aux dames et Marguerite de SAUNHAC sait faire preuve d'autorité pour calmer les esprits, elle en conservera une réputation d'arbitre et soutiendra ainsi la carrière politique de son époux.





Le 22 avril 1589 Raymont Chapt de Rastignac est nommé gouverneur de la Haute Auvergne, puis bailli en 1593 par le roi Henri IV, en récompense des services rendus.


Il ramène la paix dans la prévôté de Mauriac en traitant à Salers avec les ligueurs LIGNERAC et DRUGEAC, le 5 septembre 1590, pour une alliance contre les protestants encore menaçants; il promet de remplacer les châteaux détruits et fortifie l'église de Pleaux.


A Maurs, pour ramener l'ordre, ne s'y retrouvant pas dans les explications des capitaines qui se disputent la ville et dont on ne sait même plus de quel camp ils sont, il utilise le jugement de Dieu pour savoir qui a tort. Un duel en décide le 22 septembre 1591.


Trois prévôtés sur les quatre de Haute Auvergne ont retrouvé la paix. Reste Saint-Flour où les troubles recommencent dès qu'il a le dos tourné. Les soldats impayés se mutinent. Messillac en vient à faire l'avance de la solde, 10.000 écus! Il avait déjà dû ajourner un voyage à Nevers, où Henri IV recrute dans sa guerre contre les espagnols. Les archives municipales de Saint-Flour conservent la correspondance où il admoneste les députés.




Son action s'est étendue hors de la Haute Auvergne. La riche Limagne n'en peut plus de nourrir ces troupes de 4 à 500 cuirasses et arquebusiers qui vivent sur le dos des paysans. Le 14 mars 1590, Raymond est à la bataille de Cros-Roland où il a acheminé quatre canons depuis Aurillac et on rapporte que, sans lui, qui fait preuve d'humanité disant: «Amis, nous sommes tous des auvergnats, ne nous tuons pas les uns, les autres!», le carnage dans les rangs des ligueurs eût été plus grand.


Messillac sera fait chevalier du Saint-Esprit en 1594, sans en recevoir l'ordre. Le troisième sieur de Messillac, pas plus heureux que les précédents, est tué le 26 janvier 1596, d'un coup de fauconneau, au siège de la Fère où il vient d'être reçu en audience par le roi. 


Le corps embaumé fut ramené à Paris, fermé dans un cercueil de plomb pour continuer jusqu'à Aurillac où il arriva le 13 février. Les funérailles eurent lieu le 26 en la chapelle St Nicolas de l'église paroissiale, en grande sollenité.

Voir le lien :

Raymond de Rastignac-Armorial général de France d'Hozier 


Marguerite de SAUNHAC est veuve pour la troisième fois, elle est à la tête d'une jolie fortune et d'une grande famille. Elle a eu 15 enfants dont cinq sont morts en bas âge. Les six premières filles ne posent pas de problème, elles se marient jeunes, toutes bien dotées. Les 4 garçons CHAPT vont lui causer plus de soucis.


Avant même d'être veuve, Marguerite a pris en mains l'administration des biens. Autour de Messillac, ses possessions s'étendent de Carlat à Mur-de-Barrez avec des prés, des moulins, des terres, une montagne , et une vigne pour laquelle il faut descendre jusqu'à Saint-Hyppolite. Et elle achète des maisons à Aurillac, tout ce qui se présente: 330 livres en 1594, pour une maison avec boutique vendue par les consuls et les marguilliers, 1160 livres en 1595, une maison ayant appartenu aux CHAUMEIL de Caillac.


A 50 ans, la dame de Messillac est devenue une femme influente aux conseils recherchés, comme en témoigne l'affaire de Carlat en 1602.


Henri IV a des informateurs comme le président Vernyes de Salers dont les Mémoires montrent qu'il surveille noblesse et gouverneurs qui tiennent toujours les places fortes. François de NADAILLAC, sieur de Morèse, est gouverneur de Carlat.

Survient la conspiration de Biron , Morèse suspect, est arrêté, et le marquis de NOAILLES, lieutenant général de Haute Auvergne, se rend à Carlat, accompagné de «nombreux gentilshommes et capitaines du pays», pour demander à Mme de MORÈSE de rendre le château.


L'épouse brave le gouverneur et refuse d'abaisser le pont-levis, elle se prépare à un siège avec son canon, c'était une affaire de monter (ou descendre) un canon là-haut. Noailles en réfère au roi, la province se soulève




Les amis de Morèse se réunissent au château de Messillac, projettent de l'enlever, mais Mme de Messillac les en dissuade, déclarant «qu'il serait plus glorieux et plus avantageux à la famille de subir les ordres du roi que de s'armer contre lui, et que quiconque s'armait conte son prince s'armait contre Dieu.» 


Un traité est conclu à Thiézac entre les représentants des deux partis: le château est occupé et sera rasé, et Morèse, libéré, recevra un brevet de maître de camp.


Carlat est rasé, combien d'autres châteaux que Marguerite de SAUNHaC a connus dans sa jeunesse, ont disparu, à commencer par Montamat. Le pays, autrefois prospère, peine à se remettre de quarante ans de guerre civile. Les caisses sont vides. Les nobles endettés, s'ennuient, les fils RASTIGNAC, comme les autres. On ne compte pas les bâtards de l'aîné, Franc Bertrand, sieur de Messillac, le second Jean, sieur de Montamat est un bandit de grand chemin qui fait des razzias de bétail et a failli tomber sous les coups de bandes adverses.


Le 27 novembre 1621, elle teste à Messillac, dans la salle basse du château, en bonne catholique qu'elle est restée. Elle demande à être ensevelie dans l'église de Raulhac, dans la chapelle de Messillac. Elle nomme son héritier: l'aîné Franc Bertrand.


Elle était malade depuis cinq mois et n'eut pas la force de signer. Elle a dû mourir peu après, dans sa 72e année.


Le château de Messillac a servi de décor au récent film de Bertrand Tavernier La Princesse de Montpensier adapté du roman de Mme de La Fayette. 


 Messillac, parfois appelé Messilhac ou Missilhac, est un château situé sur un rocher escarpé, au milieu des bois, sur la limite du département du Cantal. Ce château, chef-lieu d'une seigneurie très importante, était fortifié de tours et de remparts. Le mamelon sur lequel il s'élève est cerné par des ravins profonds dans lesquels coulent le Goul et un autre ruisseau qui sert de limite à l'Aveyron.

Messilhac était autrefois un village maintenant détruit. Les principaux propriétaires qui se sont succédé dans cette seigneurie sont : la famille de Bonavent, qui en jouissait au XIII° siècle. Bernard de Bonavent, chevalier, seigneur de Messilhac, acheta, en 1297, la moitié d'un aftar qui appartenait à un habitant du village.



 Autre Bernard de Bonavent, seigneur de Messilhac, traita, en 1345, ainsi que les autres seigneurs du pays, avec le recteur de Raulhac, au sujet de la dîme. Aimé de Bonavent fut bailli des montagnes d'Auvergne. On croit que cette famille descendait d'Henri, fils puiné du comte de Rodez, apanagée en 1200 dans les pays du Rouergue et du Carladès. Bernard de Bonavent était, en 1475, coseigneur de Montamat. Autre Bernard de Bonavent était seigneur de Messilhac en 1518. N'ayant eu qu'une fille nommée Marguerite, elle fut mariée a Jean de Montamat, et lui porta en dot Messilhac. Jean fit bâtir, en 1537, le grand corps de logis du château, les beaux escaliers ornés de bas-reliefs et de devises, et ceux qui décorent la grande porte. Jean mourut en 1547. Il ne laissa qu'une fille, Jacquette de Montamat, mariée à Guion de Saunhac. Guion ne laissa encore qu'une fille, nommée Marguerite, dame de Messilhac, comme héritière de Jacquette, sa mère, qui fut mariée, en 1566, en premières noces, à noble François du Port; en secondes noces, en 1574, avec Charles de Barbézières, et enfin, en troisièmes noces, avec Raymond Chapt de Rastignac, dont il sera question ci-dessous.

La maison Chapt de Rastignac, nommée aussi Cat, ne doit pas être confondue avec celle Cat de Cocural, aux armes parlantes. Les documents historiques que l'on publie dans le Rouergue constatent que cette dernière famille de Cat est originaire des montagnes de la Guiole, où elle était connue en 1182.

La famille de Chapt est originaire du Limousin; elle se fixa en Périgord, où elle existe encore. On la présume issue, dit le Nobiliaire d'Auvergne, des anciens sires de Chabannais. M. d'Hozier ne laisse aucun doute sur l'authenticité de cette ancienne origine, qui remonterait à l'an 895. Ils ont, du reste, prouvé leur filiation depuis Bernard Chapt, 5e du nom, marié le 18 septembre 1260 avec Raymonde de Solagnac. Elle s'est illustrée dans le sacerdoce et la carrière des armes.

Raymond Chapt de Rastignac, qui va nous occuper, appartenait à cette famille. Dans une transaction faite entre ses enfants par Marguerite de la Grilière, dame de Rastignac, il est fait mention de possessions sises à Sarrus, à Ladinhac, à Cayrols, possessions qui formèrent peu de temps après l'apanage de la branche d'Auvergne.

Raymond, que l'on trouve désigné indistinctement sous le nom de Rastignac et sous celui de Messilhac, par les auteurs qui ont écrit l'histoire de cette province , vint dans la Haute-Auvergne attiré par le baron de Lignerac, qui connaissait son habileté et sa fortune dans les armes. Lignerac voulait en faire l'un des chefs du parti de la ligue. Contrairement aux vues de ce bailli des montagnes, Raymond embrassa le parti du roi. Nous allons maintenant parcourir les historiens qui nous ont donné .des notices sur sa vie.

« Raymond, dit M. Déribier, était, dans son jeune âge, page d'Henri IV. Habile dans l'art de l'équitation , montant avec grâce et solidité les chevaux les plus difficiles, le roi se plaisait à lui faire exercer sous ses yeux ceux qu'il affectionnait le plus. Ce goût du monarque ne doit pas nous surprendre; on doit considérer que, dans l'ancienne monarchie, nos rois étaient les premiers de leurs chevaliers, et le prince dont nous venons de parler ne le cédait à nul autre. De 1567 à 1 569, Chapt fut capitaine d'une compagnie de cinquante hommes d'armes, et, en 1671, d'une compagnie de gens de pied. Le roi lui écrivit le 8 juillet 1578 pour faire exécuter l'édit de pacification.

« En 1581, les religionnaires du Mur-de-Barrès, commandés par le vicomte de Lavedan , commirent de nombreux pillages et des déprédations dans ces contrées. La noblesse du pays s'adressa au roi qui permit de faire une levée de trois cents hommes, moitié a pied et moitié à cheval, pour s'opposer au pillage des huguenots de ce quartier. Messilhac prit le commandement de ces trois cents hommes, attaqua les huguenots du Mur-de-Barrès, et en tua sept à huit vingts. »
 Voici ce qu'n dit l'abbé Teillard. «  En 1588, la ville d'Entraygues fut prise d'assaut par les huguenots. Ses défenseurs se réfugièrent dans le château; ils y furent soutenus par Raymond Chapt de Rastignac, seigneur de Messilhac, qui, le jour de Notre-Dame, étant accompagné des sieurs de Morèze et d'Anteroche, à la tête de trois cents hommes, tua quarante huguenots , parmi lesquels l'un de leurs principaux chefs. Messilhac l'abattit d'un coup d'épée au travers de la visière du pot, et lui enleva son écharpe blanche. Les huguenots furent chassés de leurs retranchements. MM. de Messilhac et de Morèze furent blessés dans ce combat. »

Chapt de Rastignac était donc connu par des faits d'armes brillants lorsqu'il fut appelé, en 1586, à la charge de lieutenant du roi dans la Haute-Auvergne. Nous donnerons, d'après le Nobiliaire d'Auvergne, le résumé de la vie de cet homme célèbre dans son temps.

« En sa qualité de lieutenant du roi, les habitants d'Aurillac le prièrent de venir séjourner dans leur ville pour les soutenir contre les efforts du comte de Randan; il s'y rendit, le 7 février 1587, pour y commander au nom du roi. Ceux d'Aurillac ne furent pas trompés dans leur attente- Le sire de Messilhac rompit les mesures du comte de Randan qui, dans le dessein de sè rendre maitre de cette ville, s'avança inutilement avec trois mille hommes jusqu'à Arpajon; il fut battu dans deux ou trois rencontres, ce qui l'obligea à revenir dans la Basse-Auvergne. L'année suivante , Messilhac fut honoré du collier de St-Michel et fait, avant le 22 avril 1589, gouverneur de la Haute-Auvergne Le 6 juillet suivant, il força le château de Cologne à se rendre et fit prisonnier le sieur de Marmiesse qui le commandait. Il reprit sur la fin du même mois la forteresse de Carlai, dont les seigneurs, par la trahison d'un soldat, avaient trouvé le moyen de changer la garnison.

En 1590, le comte de Randan s'étant mis en campagne pour reprendre la ville d'Issoire. la noblesse d'Auvergne se donna rendez-vous à Clermont. Raymond y parut à la tête de cent chevaux et de cent cinquante hommes de pied.

Nous allons bientôt rapporter , suivant M. Imberdis, le récit de ses actions pendant cette campagne où il commandait le centre de l'armée royaliste , sous la haute direction de François de Chabannes-Curton, général en chef.

« Au mois d'octobre , le sieur de Messilhac alla joindre l'armée du grand prieur d'Auvergne, Louis de Lastic , et ne rentra à Aurillac que le 4 décembre. En 1592, il fit réparer les murailles et les fossés de la ville que le duc de Nemours paraissait vouloir assiéger. En octobre, il fit partie du secours envoyé à Villemur pour arracher le sieur de Thémines , son ami, au danger qu'il courait. Il contribua à tailler en pièces l'armée de la Ligue : une partie fut noyée dans le Tarn, et le duc de Joyeuse y périt lui-même, emporté par la violence des eaux. Le roi, pour récompenser Rastignac de ses services, lui permit, en 1593, d'établir une foire et un marché à Cros, paroisse de Messilhac. Au mois de juin de la même année, il le fit bailli de la Haute-Auvergne, dont il était déjà gouverneur.



En 1591, les habitants de St-Flour s'étant révoltés contre Antoine de Durfé, leur évêque , M. de Messilhac se rendit promptement dans cette ville, apaisa la sédition, rendit la liberté à l'évêque. Au mois de juillet suivant, il se transporta en Limousin pour donner la chasse aux révoltés de cette province auxquels on donnait le nom de croquants ou de tard-venus; il les attaqua, prit Limoges, et leur tua plus de deux mille hommes. Cette expédition lui valut d'être fait chevalier de l'ordre du St-Esprit. »
 « Le Comte de Messilhac ne se borna pas, dit Imbérdis, à défendre le haut-pays contre le gouverneur d'Auvergne; il se fit remarquer encore par son acharnement à poursuivre les religionnaires partout où ils furent signalés, à des distances même assez grandes de sa résidence. Le zèle qu'il avait montré fut payé par une nomination de lieutenant-général, .qui le fit recevoir à Aurillac où il mit garnison. Henri III instruisit ainsi les prévôtés du nouveau choix qu'il venait d'arrêter:

« De par le roi,

Chers et bien amés, nous avons donné pouvoir au sieur de Rastignac de commander dans notre haut-pays d'Auvergne, et y assembler des forces pour faire la guerre à nos ennemis. A cette cause, nous vous mandons que vous ayez à le reconnaître, l'obéir et l'assister en tout ce qu'il vous ordonnera pour le bien de notre service, comme votre fidélité et affection nous assurent que vous ferez; et à ce ne faites faute, car tel est notre plaisir.

Donné à Châtelleraut, etc. »

« Les forces royales se réunirent et s'acheminèrent vers Clermont, ayant à leur tête les sieurs de Messilhac et de Lavedan : trois cents cuirassiers et cinq cents fantassins obéissaient à ces deux capitaines distingués. Ce corps était arrivé à Allagnat, à trois lieues de Clermont, lorsque le bruit se répandit que les ligueurs marchaient à lui pour le combattre. Sur le champ, les chefs déjà rassemblés à Clermont montent à cheval, s'élancent dans la direction indiquée, rencontrent les troupes qui venaient paisiblement dans cette ville, et tous arrivent sans avoir aperçu d'ennemis.

Randan, instruit de ces mouvements, conçut le projet de marcher à la rencontre des royalistes et de les attaquer avant qu'ils fussent en vue d'Issoire. Randan réunit son conseil : les avis sont partagés. Les chefs royalistes ne pourront pas se soumettre aux lenteurs d'un siège, entre autres Rastignac, qui doit redouter quelque surprise , quelque soulèvement dans son gouvernement agité. Mais le comte de Randan était impatient de croiser le fer avec les auxiliaires; la bataille de Cros-Rolland est décidée. »

Il n'entre point dans notre cadre de donner la description de cette bataille, dont la perte fut funeste à la Ligue. Messilhac y prit une part glorieuse; dans un mouvement, il se trouve en face du chef des ligueurs, balançant la fortune par sa valeur bouillante et l'exemple qu'il donne aux compagnons d'armes qui se pressent à ses côtés. Les deux chefs se sont aperçus; ils se précipitent l'un contre l'autre; un flot de combattants les sépare et les jette aux extrémités opposées du champ de bataille. Alors Messilhac se précipite au cœur de l'escadron de Randan, le hache avec fureur, porte la mort partout où frappe son épée : les plus intrépides sont mis hors de combat ; le malheureux Randan lui-même, après avoir illustré le champ d'honneur où sa noblesse est décimée, se voit obligé de se retirer , blessé mortellement de deux balles dans la cuisse. Alors les vainqueurs taillent en pièces les ligueurs qu'ils peuvent atteindre dans la plaine. Cette poursuite serait devenue une boucherie si Messilhac n'eût couru en avant en criant : Amis, nous sommes tous Auvergnats, ne nous tuons pas les uns les autres. Ces paroles généreuses d'un guerrier ordinairement impitoyable comme on l'est dans les guerres civiles et religieuses, sauvèrent une foule de soldats qui avaient jeté leurs armes.

Afin de confirmer la mort de Randan et sa défaite, auxquelles le commandant des forces ligueuses dans Issoire ne voulait pas croire, Messilhac s'avança et dit: « Messieurs, le sieur de Randan est mort aujourd'hui en brave et homme d'honneur , et a fait voir la noble lignée dont il était sorti. Si vous ne voulez pas m'en croire, voyez M. de Châteauclou, qui vous le dira. Ce qu'avait dit étant confirmé, le commandant La Barrière capitula immédiatement.

Passons aux appréciations sur Messilhac , du président de Vernyes, dans son mémoire adressé au roi.

« Le sieur de Messilhac peut mettre sus de cette prévôté cinquante bonnes cuirasses et cent soixante soldats, et, de six cents hommes qu'il y a dans la ville d'Aurillac pour rendre combat, en tirer pour un besoin deux cents pour deux lieues hors la ville.

La ville et château de Murat ont envoyé leur soumission au sieur de Messilhac, gouverneur de la province, peu avant le décès du feu roi. Mais, pour la ville, en faut faire peu de cas, parce qu'elle dépendra toujours de celui qui commandera le château ; et, quelque déclaration que le sieur de Brezons, capitaine, en ait faite, je ne le tiens pas pour assuré au service du roi.

Il y a des ligués dans la ville d'Aurillac, mais qui n'osent se déclarer pour la présence du sieur de Messilhac.

« Pour récapituler les forces que le sieur de Messilhac peut faire en son gouvernement , il nourrit cent cuirasses aux dépens du roi et en peut tirer presque autant des quatre prévôtés , trois cents arquebusiers, cinquante cuirasses huguenotes et quatre cents arquebusiers; a trois pièces de canon en son pouvoir , et, de la sorte, peut faire un gros de sept cents arquebusiers et de deux cent cinquante chevaux.

Le sieur de Messilhac s'aheurtait d'abord au mauvais parti. Le sieur de Bournazel lui fit connaître le parti du roi plus assuré et le plus honnête; s'il s'y rangeait, il serait le chef du parti contre le reste de la noblesse, et pourrait être reconnu de Sa Majesté; il fut persuadé encore par les conseils du sieur de Morèze, son cousin. La déclaration du sieur de Messilhac confirma aussitôt les villes et lui acquit une haine mortelle de ceux de la Ligue, spécialement du sieur de Lignerac, qui se vit spolié par celui dont il avait bâti la fortune.

Au retour des Etats de Blois, après la mort de M. de Guise, le roi écrivit de sa main au sieur de Messilhac. Cette lettre lui fut baillée fort à propos et le confirma dans le service du roi.

Le 7 juin 1594, Rastignac marcha sur la Fère contre le nouveau duc de Joyeuse. Il fut tué le 26 janvier 1595 d'un coup de fauconneau tiré par un soldat ennemi. Sa dépouille mortelle fut portée à Aurillac et inhumée avec une grande pompe, le 26 février suivant, dans l'église de Notre-Dame. Déribier dit que ce fut dans la sacristie de la paroisse, qui devint plus tard la chapelle du St-Sacrement. Il avait acheté, en 1590 , les fiefs de Pleaux , du Griffoul et de Poumeyrols de François de Dienne, qui le subrogea à la terre de Montamat sur le baron de Pestels, pour une somme de 4,000 livres.

Le siège de Villemeur, au cours duquel Messillac s'illustra, a été relaté par plusieurs contemporains dont Agrippa d'Aubigné - le grand-père de la marquise de Maintenon-, dans son Histoire universelle, pour laquelle il fut exilé en Suisse (Livre III, chapitre XVI).





  




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