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samedi 31 mars 2012

sserpxE iagnahS 1932



Un film de Joseph von Sternberg avec Clive Brook et Marlène Dietrich, dans le rôle d'une courtisane au grand coeur. Décor exotique, intrigue propice aux bons sentiments, gros plans fascinants d'un visage mythique, et des dialogues langoureux et acerbes dits voluptueusement: un chef d'oeuvre. 

riaffA ngieroF A (1948)


Une intrigue peu vraisemblable pour ce qui ne serait qu'une passable comédie américaine, si elle ne se déroulait dans le décor bouleversant des ruines de Berlin, hantées par Marlène Dietrich, qui par son charme si particulièrement envoûtant donne au film une vraie dimension dramatique.

samedi 24 mars 2012

Pride & Prejudice (1940)


Un Darcy taciturne et ombrageux, fier non par vanité, mais par son sens aigu de l'honneur : un rôle idéal pour le beau et ténébreux Laurence Olivier.

"A gentleman does not have to explain his actions, he expects people to give him credit for being a man of honor and integrity". 

Un homme du monde n'est pas tenu de justifier ses actes; il s'en remet les yeux fermés à sa réputation d'homme d'honneur.


Carrie 1952


Un homme tente de refaire sa vie, mais son nouveau départ, sur la base de pauvres mensonges et de lâchetés, est un échec annoncé. Sombre et terrifiant tableau d'une déchéance interprété par le sublime Laurence Olivier.

Rebecca .


Laurence Olivier c'est l'incarnation de la fêlure et du désespoir. C'est le héros mystérieux hanté par le malheur: Une si parfaite et si sombre élégance.

mardi 20 mars 2012

sserieH ehT (1949) pt.1/11



Olivia de Havilland et Montgomery Clift 

uoY htiw ruoH enO (I932)


Un petit vaudeville à la française signé Ernst Lubitsh, sans prétention mais plein de bonne humeur. Impossible de ne pas sourire en écoutant ces refrains aux rimes faciles, massacrées par la gouaille de Maurice Chevalier,  ou sublimées par le charme de Jeanette Mac Donald.

lundi 19 mars 2012

uoY eB ot daH tI 1947


Une excellente comédie, simple et pétillante, une intrigue peu vraisemblable et un propos qui l'est moins encore sur la quête de l'âme soeur, mais avec Cornel Wilde et surtout le charme de Ginger Rogers, impossible de résister à la bonne humeur de ce film.

dimanche 18 mars 2012

gnissorC suoregnaD 1953


Un film à suspense de Joseph Newmann,  d'après une pièce de John Dickson Car, avec la très séduisante Jeanne Craig et le  ténébreux Michael Rennie.



Jeanne Crain




samedi 17 mars 2012

Roue


ruehlaM eD saC nE (1958)




L'irruption d'une fille perdue, sans préjugés et pleine de contradictions (Brigitte Bardot) dans la vie rangée d'un notable avocat au barreau de Paris (Jean Gabin). La rencontre de deux univers, de deux rêves, de deux coeurs généreux qui se frôlent, sans pouvoir se rencontrer. 


mardi 6 mars 2012

Produire en France, une vieille idée...

Finalement, Sa Majesté désirant le rétablissement des haras au dedans 
du royaume, comme étant très-nécessaires, non-seulement pour l'utilité 
publique pendant la paix et pendant la guerre, mais même pour empêcher 
que des sommes de deniers très-considérables ne soient employées à 
l'achat des chevaux étrangers et soient par ce moyen transportées au 
dehors. Sa Majesté désire être informée des raisons pour lesquelles tous 
ceux qui nourrissoient ci-devant des cavales, soit les paysans, pour les 
services journaliers, soit les gentilshommes ou personnes de qualité, pour 
leur utilité, service et plaisir, ont cessé ; ce qui a donné lieu à l'introduc- 
tion des chevaux étrangers au dedans du royaume, et Sa Majesté désire 
que non-seulement les commissaires examinent les moyens par lesquels 
on pourra parvenir à obliger les paysans à reprendre la coutume de se 
servir de cavales, mais même qu'ils excitent, au nom de Sa Majesté, les 
gentilshommes et personnes de qualité de rétablir leurs haras, et d'en éta- 
blir de nouveaux, et qu'ils observent soigneusement tous les lieux qui se 
trouveront dans l'étendue de chacune province propres à l'établissement 
desdits haras, et assurer les gentilshommes seigneurs desdits lieux, qu'ils 
ne peuvent rendre un service plus agréable à Sa Majesté que de rétablir 
les haras, et même d'en établir de nouveaux.
 
ÉTAT DU POITOU sous LOUIS XIV. 

RAPPORT AU ROI ET MÉMOIRE SUR LE CLERGE, 
LA NOBLESSE, LA JUSTICE ET LES FINANCES 

PAR 

CHARLES COLBERT DE CROISSY,  


elliV aL snaD nioméT nU



Une vengeance qui tourne mal, dans le milieu parisien des radio-taxis, avec un beau final parmi les rapaces du Jardin d'acclimatation. Magnifique Lino Ventura en méchant malgré lui, qui s'enfonce irrémédiablement dans son crime...

lundi 5 mars 2012

Le Château de l’Espinay-Sainte Radegonde

(Lanneray, Eure-et Loir)



I-  Sainte-Radegonde : la princesse barbare devenue reine de France


C’est en prisonnière que Radegonde arrive en France. Fille du roi de Thuringe, elle fait partie du butin que les Thuringiens doivent verser aux Francs après leur défaite. Élevée à la cour du roi de France Clotaire (le fils de Clovis), Radegonde approfondit sa culture et sa foi. Après une vaine tentative de fuite, Radegonde épouse Clotaire vers 540. Face à ce roi barbare, elle va se révéler être une des plus remarquables figures de l’époque mérovingienne. Profondément religieuse, Radegonde entreprend de faire changer son époux, mais l’assassinat du frère de la souveraine par Clotaire brise toutes ses illusions. Elle décide alors de se consacrer à Dieu, crée des communautés religieuses et en 550, s’installe à Poitiers où elle fonde le monastère de Sainte-Croix. La vie de Radegonde illumine le siècle et, déjà de son vivant, la légende s’empare d’elle. Princesse sainte, amie des plus grands, comme le célèbre Grégoire de Tours, elle meurt le 13 août 587. Canonisée peu après, sa châsse, conservée à Poitiers, devient un lieu de culte durant plusieurs siècles.

 
Sainte Radegonde sauvée par miracle.

II-Sainte-Radegonde : chapelle de la paroisse de Lanneray, au diocèse de Chartres

La chapelle, initialement dédiée à Saint Thomas, fut donnée par le pape Innocent III aux religieux augustins de l’abbaye Sainte-Madeleine de Chateaudun par une bulle datée du 29 janvier 1198.
A cette époque, un grand chemin séparait la chapelle du château de l’Espinay. Mais peu à peu les seigneurs du lieu cédèrent à la tentation d’annexer la chapelle à leur domaine : l’entretien du chemin ayant été abandonné, la chapelle fit bientôt partie de la basse cour du château (parcelle 157 du cadastre napoléonien de 1811 reproduit ci-dessous).




En 1568, pendant les guerres de religions, la chapelle fut profanée et détruite.

A partir de 1591, les seigneurs de L’Espinay qui avaient entrepris à leurs frais et dépens la reconstruction de la chapelle, réclamèrent le patronage de ce qu’ils considéraient à présent comme leur oratoire privé et domestique, et en particulier le droit de nomination du prêtre. Le jugement définitif ne fut rendu qu’en 1663.
 


https://didomena.ehess.fr/concern/data_sets/m039k7308?locale=fr

III-Sainte-Radegonde : la seigneurie


La seigneurie de Sainte-Radegonde, anciennement appelée Spinetum en latin, c'est à dire L'Espinay en vieux français, prit avec le temps  le surnom de Sainte-Radegonde, la sainte à qui était dédiée la chapelle du château, destination d'un pèlerinage célèbre au Moyen-Age.


Elle se situe à quelques kilomètres au nord-ouest de Chateaudun, dans la commune de Lanneray, entre Saint-Denis-les-Ponts, Logron et Châtillon en Dunois, à l'orée des bois du Chapitre de Chartres. C'était le siège d'une seigneurie du comté de Dunois, relevant comme la plupart des fiefs voisins de la seigneurie de Montigny.


1- de Lanneray

La seigneurie de Sainte-Radegonde, appartenait en fief à la famille de Lanneray, seigneurs de Fontenay. Il en rendaient foi et hommage aux seigneurs de Montigny, puis aux du Bellay, seigneurs de Langey, après l'alliance de ces deux maisons.

Le dernier seigneur de Lanneray à avoir été le maître de Sainte-Radegonde fut Simon de Lanneray, dit Chauchet, qui exerçait de façon redoutable son droit de vie et de mort sur ses justiciables. On trouve sa trace dans les registres de Chancellerie du roi Philippe VI de Valois. Vers 1350 une enquête du bailli d'Orléans établit que Simon de Lanneray est responsable de la mort d'un de ses métayers, qui avait volé et tué pour son propre compte un mouton du troupeau à lui confié. Le prisonnier décéda après un mois de détention pour cause d'"éstroite prison" sous une cuve renversée. Le chevalier de Lanneray "ne l'avoit pas rendu à ses amis après sa mort, mès l'avoit fait enterrer en une fosse avecques la pel, char et suif dudit mouton"...

Simon de Lanneray vivait encore en 1378. Mais en 1408, c'est son héritier Robin de Saumery, seigneur de Fontenay, qui entre en possession de Sainte-Radegonde et en rend foi et hommage à Hugues VII du Bellay, seigneur de Langey et son épouse Isabeau de Montigny.


Quelques années plus tard, après la mort de Robert de Saumery, Sainte-Radegonde n'est plus un fief concédé à un vassal des seigneurs de Langey, mais a réintégré la propriété directe de la maison du Bellay, elle-même vassale des comtes de Dunois.

2- du Bellay (1390-1550)



Hugues VII. du nom, seigneur du Bellay & de Giseux, épousa Isabeau de Montigny, dame de Langey. Il reçu en 1408 l'aveu de Robin de Saumery pour le fief de Sainte-Radegonde qui relevait de la seigneurie de Montigny. Il fut tué â la bataille d'Azincourt en 1415. De son mariage naquirent Jean II. du nom, seigneur du Bellay, chambellan du roi Charles VII. tué à la bataille de Crevant; Bertrand , tué à la bataille d'Azincourt avec son père; Pierre, tué à la bataille de Verneuil; Jean III. qui suit; Jean, évêque de Frejus, puis de Poitiers; Catherine, dame de Sainte-Radegonde en 1454, mariée à Louis de Fremagon; Jeanne, mariée à Jean Rovault, seigneur de Boifmenart, dont Joachim , maréchal de France; & Philippe du Bellay, abbesse de Ronceray.


Le château de Giseux,
fief des seigneurs du Bellay.

Jean IIÌ. du nom , seigneur du Bellay, & chambellan du roi Charles VII. & de René d'Anjou, roi de Naples, chevalier de l'ordre du croissant, commanda l'arrière-ban, garda les barrières des Etats-Généraux, & mourut en 1481. Il fut seigneur de Sainte-Radegonde après sa soeur Catherine, morte sans postérité. II épousa Jeanne de Logé, dame de Bois-Thibault, dont il eut Eustache, seigneur du Bellay et de Giseux, écuyer tranchant, conseiller chambellan de René roi de Sicile puis duc d'Anjou ( dont descendait le poète Joachim du Bellay); un autre fils qui fut abbé de S. Florent; René, abbé de Notre-Dame la Grande à Poitiers; Jean, qui a fait la branche des seigneurs de la Flotte ; Martin, prieur de S. Michel de Thouvars ; Louis, qui a fait la branche des seigneurs de Langey , mentionnée ci-après: Jacqueline, mariée à Jean seigneur d'Ancerville ; Jeanne, alliée à Louis d'Ave, seigneur de Sougé ; Françoise , abbesse de la Trinité de Caen; Jeanne, fondatrice des Cordeliers de la Flèche; & Philippe du Bellay qui épousa Jean d'Angennes, seigneur de Rambouillet.


Le château de Bois-Thibault, fief des seigneurs de Logé
Lithographie de Jean-Louis Tirpenne, 1860

Louis du Bellay , dernier fils de Jean III. du nom, seigneur du Bellay, & de Jeanne de Logé, fut seigneur de Langey. Il fit l’aveu pour son château de Sainte-Radegonde à plusieurs reprises entre 1454 et 1491,et porte le titre de seigneur de Sainte-Radegonde dans plusieurs actes en 1505, 1514 et 1526. 

Il épousa Marguerite de la Tour-Landry, descendante du chevalier Geoffroy de La Tour Landry, resté célèbre pour son ouvrage "Livre pour l'enseignement de ses filles". De ce mariage naquirent Guillaume seigneur de Langey, gouverneur de Piémont, gentilhomme de la chambre du roi, mort le 9. Janvier 1543 sans laisser de postérité d'Anne de Crequy, dame de Pondormy; Jean, cardinal & évêque de Paris, mort à Rome doyen du sacré collège le 16. Février 1560 âgé de 68. ans; Martin du Bellay, seigneur de Langey après la mort de son frère aîné, chevalier de l'ordre du, roi, & son lieutenant en Normandie, dont l'éloge sera rapporté ci-aprés dans un article séparé, mourut le 9. Mars 1559; René évêque du Mans, mort en Août 1546. Jacques, colonel de mille hommes d'infanterie , tué au siège de Sassari en Sicile ; Nicolas, chevalier de Malthe, mort à Naples; Renée , mariée à Ambroise de Gravy seigneur de Coustenon; Louise du Bellay, alliée à Ambroise d'Auné.


Le chevalier de La Tour Landry offrant son livre à ses filles,
par Dürer

En 1514, Louis du Bellay, seigneur de Langey, vend à Guillaume de Pâris, trésorier de l'église collégiale Saint-André de Chateaudun le lieu, terre et seigneurie de Sainte-Radegonde, paroisse de Lanneray (Arch.dep.Registre E 2858). 

Cette vente fut pour une raison inconnue invalidée puisque le 24 juin 1526, par acte passé à Glatigny en la paroisse de Souday le 24 juin 1526, Loys du Bellay, seigneur de Langey, "pour la bonne amour naturelle qu'il a envers noble homme René du Bellay, son fils, et à ce qu'il puisse plus honorablement tenir son état, luy a donné et donne par forme de donation en avancement de succession les lieux, terres et seigneuries de Sainte-Radegonde, Hodebrun et le Petit-Glatigny".

René du Bellay, seigneur de Sainte-Radegonde fut d'abord conseiller du Roy en sa cour de Parlement à Paris. En 1535 ses frères lui procurèrent l'évêché du Mans où il se fixa. Il passait le plus beau temps de l'année à la campagne où il étudiait la physique, et il rassemblait dans son jardin les arbres, les fleurs et les simples les plus rares et les plus curieux. En 1546 on le pria d'aller représenter au roy François I. la misère et pauvreté de son diocèse où le peuple était obligé de se nourrir de pain fait avec du gland, afin d'obtenir la décharge des gens de guerre. Il se chargea volontiers de cette commission de charité, et il y réussit mais après s'en être acquitté, il mourut à Paris au mois d'août de la même année 1546.

A sa mort Sainte-Radegonde revint à son frère aîné, Martin du Bellay.



Martin du BELLAY, seigneur de Sainte-Radegonde, chevalier de l'ordre du roi, & son lieutenant en Normandie , le troisième des fils de Louis du Bellay, fut prince d'Yvetot, par son mariage avec Isabelle Chenu, de laquelle il eut deux filles : Marie, princessse d'Yvetot, & dame de Langey, mariée à René seigneur du Bellay son parent; & Catherine de Bellay, alliée à Charles de Beaumanoir , seigneur de Lavardin.

Le roi François premier avoit beaucoup d'estime pour lui, & l'employa dans la guerre, dans des ambassades importantes & dans diverses autres affaires, dont il s acquitta parfaitement bien. Pour le récompenser de ses services, le roi lui donna le gouvernement de la province de Normandie , & le fit chevalier de son ordre. Du Bellay, qui avoit eu dès son jeune âge une grande inclination à  l'étude, ménagea  si bien son tems, malgré ses grands emplois, qu'il eut le loisir de travailler à ses mémoires. Ils contiennent ce qui s'est passé de plus mémorable sous le règne de François premier depuis l'an 1511 jusques au tems de Henri II. Comme il eut l'honneur d'être l'un des plus fidèles ministres du premier de ces princes , il tint aussi à beaucoup de gloire d'être son historien. Ses mémoires ont été composés en françois, & nous en avons diverses éditions, aussi-bien que de ceux du seigneur Guillaume de Langey son frère. Les ouvrages de ces deux frères ont été même traduits en latin, & ils furent imprimés l'an 1574- à Francfort chez Maréchal, en un volume in folio , & sous ce titre Guillelmi & Martini Bellaiorum historia latine facta ab Hugone Surao. Martin du Bellay mourut à Glatigny dans le Perche, le 9. Mars de l'an 1559. 


Martin du Bellay céda les seigneuries de Sainte-Radegonde et du Cormier à Louis de Grandmont, en échange du château de l’Herbaudière.

3-de Grandmont (1550-1563)


Armes : D’azur au lion d’or, armé et lampassé d’azur, rampant sur trois monts de sinople pailletés d’argent, au chef d’or chargé de trois têtes de Maures tortillées d’argent .

On conserve aux archives départementales d'Eure-et-Loir (liasse E-1185) l'aveu par Louis de Grandmont, seigneur de Sainte-Radegonde, François et Léon de Montmorency, seigneurs de Courtalain, à Michel de Marolles, Henri de Rubantel et Jules de Prunelé pour la terre et seigneurie de Vernay, paroisse d'Arrou.



Louis de Grandmont, seigneur de la Grande-Haye, de l'Espinay-Sainte-Radegonde, près Lanneray, et du Cormier de Chatillon, eut deux enfants :

Marin de Grandmont, seigneur de Lautrynière en Arrou et Jacquette, dame de la Grande-Haye, qui épousa en 1586 messire Jean du Quesnoy.

A la mort de Louis, ses héritiers vendirent leur terre de l'Espinay à Pierre de Girard en 1563.
 
3-Girard (1563-1666)

Devise : DEO REGI FIDELIS

Famille originaire d'Auvergne (Forez), titrée barons de Rochefort, seigneurs de La Tour Vidal, elle fut anoblie par le roi Henri IV en la personne de Pierre de Girard par lettres patentes datées de Chartres du mois de février 1583, confirmées par lettres datées de Fontainebleau le 16 février 1598.

Pierre de Girard, écuyer, "secrétaire de la reyne Marie de Médicis et de M.le duc de Longueville", "maistre d'hostel ordinaire de la princesse douairière de Condé et intendant en ses affaires (1577)", "commissaire ordinaires des guerres (1593)", "maître d'hôtel du roi (1599)", maitre de la chambre aux deniers, s'installa dans la région vers 1550 à la suite des comtes de Dunois dont il était intendant.  Il servit six rois de France, de François I. à Henri IV., d'où les six besans ajoutés sur son blason sous Henri IV. En 1563 il devint par acquisition seigneur de Lespinay-Sainte-Radegonde. Il fut aussi seigneur du Cormier, des Béruchères, des Bidaudières et de la Richerie (paroisse du Gault).


A cette époque le manoir du Cormier a disparu et n'est plus qu'une métairie. Mais les vassaux demeurent, dont Pierre de Varennes, écuyer, sieur du Mesnil, pour deux métairies et quelques movées de terres en la paroisse de Verdes (aujourd'hui canton d'Ouzouer).

Dans les minutes de Rousseau, notaire à Courtalain, entre 1566 et 1590, on trouve un accord entre Pierre de Girard, seigneur de l’Epinay-Sainte-Radegonde et Lefèvre, chapelain de Sainte-Radegonde, pour la restauration de ladite chapelle, qui par ces dernières guerres a éstée ruynée.

En 1577 Pierre de Girard  fait aveu à René de Fromentières de Montigny pour les seigneuries de l'Epinay-Sainte-Radegonde et du Cormier. 

A cette époque conformément à la Coutume de Dunois en ce qui concerne l'impôt, les cens et rentes dus à la seigneurie de l'Epinay-Sainte-Radegonde sont comme suit :

- au bourg de Lanneray, pour 6 maisons et un jardin, 11 sous 9 deniers et une poule de cens;
- aux Places, pour 2 maisons, 26 deniers;
- à la Loisière, pour 5 maisons, 17 sous 8 deniers, 3 poules et un boisseau d'avoine;
- au Cormier, pour une maison, 5 sous;
- aux Champs-Picards, pour 4 mines de terre, 3 sous 5 deniers;
- au terroir de Persay,pour 2 mines de terre, 15 deniers;
- au Bois du Chauchet, pour 6 muids de terre, 4 sous 2 deniers de cens, et 70 sous 3 deniers de rente.


La mine mesure un demi-arpent soit 22,5 ares.
Vers 1590, suivant une ordonnance d'Henri IV, 1 muid = 300 pintes, et la pinte, selon les régions, mesure entre 1 et 2 litres.
Ainsi le muid d'avoine pouvait mesurer environ 3,5 m3.
Le muid correspondait aussi à la surface de terre que l'on peut semer avec un muid de grain.

En 1602 les seigneurs de Montigny, suzerains des sieurs  de Girard, rendent hommage aux comtes de Dunois pour la seigneurie de Sainte-Radegonde :

Les lieux, terre et seigneurie de Lespinay-Saincte-Radegonde, en la paroisse de Lanneray, ainsy que les dicts lieux se poursuivent et comportent, avec toutes leurs appartenances et dépendances, tant en domaine, mettairie, champart, avoisinages, cens, rentes, redevances, vassaux et arrières-vassaux, avec droit de justice moyenne et basse, pont-levis, collombier, apiect, garenne et chasse, et droict de foire une fois l'an, le jour de Saincte-Radegonde, droict de collation et de présentation de la chapelle quy est en l'ancienne basse-cour de l'Epinay;
Contenant le dict lieu de Lespinay-Saincte-Radegonde, en premier l'hostel et hébergement du dict lieu, en la motte où soulloient estre les maisons seigneuriales, tours et doubles fossez allentour de la ditte motte;
Et la dicte ancienne basse-cour, où la dicte chappelle et oratoire de Saincte-Radegonde;
Un arpent et demy de terre ou environ, tenant d'une part au chemin qui va du dict lieu à Lanneray, et des deux autres parts au Plaissy du dict lieu ;
Le Plessis du dict lieu, appelé Bois-de-la-Varenne, assis derrière le dit hébergement, à présent partie planté de vignes et l'autre en bois et arbres fruictiers, contenant trois arpents ou enriron, tenans d'une part aux fossez et d'autre aux terres de la dicte métairie;
s'ensuyvent les vassaux du dict lieu de Lespinay...
Dix-sept vassaux sont ennumérés, parmi lesquels figure le seigneur de Chatillon, Jean de Vassé, chevalier de l'ordre du Roy, sieur et baron de Vassé, pour le lieu du Grand-Coudray.
 
Le 1er jour d’apvril 1605, est décédé Pierre de Girard, escuier, seigneur de Lespinay–Sainte Radegonde.

Le 11 de janvier 1612, a esté inhumée en la chapelle de Saincte Radegonde Françoise Forget, veufve de Pierre de Girard, en son vivant seigneur de Saincte Radegonde. C’était la fille de Pierre Forget, ecuyer, seigneur de la Branchoire et du Bourret, greffier de Loches, argentier de la reine Eléonor d'Autriche, puis conseiller et secrétaire du roi, et de Françoise Fortia, « l’une des dames de la reine » Eléonore d’Autriche, deuxième épouse de François Ier.

Les deux frères de Françoise Forget occupèrent de hautes fonctions dans l'Etat.
L'aîné, Jean Forget, baron de Maffliers, fut président à mortier au Parlement de Paris. Il fit un legs de 100.000 livres aux pauvres de l'Hotel-Dieu de Paris. 


Tombeau du baron Jean Forget, décédé en 1611,
représenté en orant, 
église Notre-Dame de Maffliers

Son autre frère, Pierre Forget, seigneur de Fresnes, connu sous le nom de M.de Fresnes, baron de Veretz, La Ferté, La Salle et du Fau, fut intendant général des bâtiments de la couronne, conseiller du bureau des finances, commissaire en Provence sous les règnes de Henri III et de Henri IV, ambassadeur en Espagne, et enfin secrétaire d'Etat de 1589 à 1610. C'est en cette qualité qu'il eut l'honneur de rédiger cette oeuvre de pacification religieuse qu'on appela l'édit de Nantes.

 
Pierre Forget, seigneur de Fresnes, 1544-1610
par François Clouet

Les Forget portent d'azur au chevron d'or accompagné de trois coquilles de même, deux en chef, une en pointe.


A la mort de Pierre et Françoise de Girard, le domaine passe à leur fils Jacob de Girard, conseiller et segretère du Roy, maison et couronne de France, et de ses finances, seigneur de Lanneray , de Sainte Radegonde, du Cormier, du Grand-Coudray et du Meslay . Il avait épousé  Geneviefve de Verton, fille de Jehan de Verton, conseiller et secrétaire du roi et de ses finances, et de Magdeleine du Vivier.

En 1627, Jacob de Girard agrandit le domaine en faisant l'acquisition de la seigneurie du Grand-Coudray, paroisse de Châtillon. Ce fief consistait alors en un hébergement où il y avait trois maisons couvertes de chaume avec une cour, contenant environ un boisseau de terre, tenant d'un côté au chemin de Chatillon à Chateaudun, de l'autre au chemin de Chatillon à Libouville.

En 1636, il fait encore l'acquisition sur Pierre de Grattemesnil et sa femme Marguerite de Montagu de la seigneurie de Meslay, dite du Petit-Beaumont, en la paroisse de Lanneray, qui relevait de la châtellenie de Beaumont-le-Chartif, appartenant aux princes de Guéménée. Elle consistait en une demeure seigneuriale, grange, escurie, estable, cour et jardin, environ deux boisseaux de terre, environnez de fossez pleins d'eau, et l'on ne peult entrer qu'en passant sur un pont dormant et pont-levis à chaisnes de fer, scitués à un demi-quart de lieue de la maison seigneuriale


Ces deux fiefs ont relevé depuis de la seigneurie de Sainte-Radegonde et y sont toujours restés réunis depuis.

Jacques de Girard habitait Paris avec sa femme, où il possédait un hôtel particulier rue Saint-Thomas-du-Louvre (actuellement place du Caroussel) paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois. N'ayant pas d'enfants, il laissa l'usufruit de la seigneurie de Sainte-Radegonde à son frère puiné Pierre II de Girard.

Pierre II de Girard, chevalier de l'ordre et maître d'hôtel du roi, gouverneur de la ville de Saint-Denis, seigneur de Lespinay-Sainte-Radegonde, Bourgoin et Beaulieu, et aussi seigneur de la Buzardière. Il fut dans son enfance page de la reine, puis administrateur de l'Hotel-Dieu, gouverneur de Saint-Denis et à ce titre chargé de la garde du mausolée des Rois de France. Il mourut en 1638 et fut enterré à Sainte-Radegonde.


Il avait épousé en 1608 Marguerite Costé, fille de César-Augustin Costé, poète, conseiller du roi et lieutenant en l'élection de Chateaudun et Bonneval, et de Madeleine Le Breton, veuve en premières noces de Gilles Anthonis, bailli de Dunois, puis conseiller au Parlement de Paris, baptisée à la Madeleine de Chateaudun le 29 mai 1585.



Ce fut elle qui fit rapporter le corps de son mari à l'Hotel-Dieu de Chateaudun, car la seigneurie de Sainte-Radegonde passait à la maison de Nouveau. Le 15 juillet 1653 elle donna à l'établissement le lieu et fief des Mortiers (Marboué) à la condition d'avoir le droit de faire à ses dépens une petite cave voutée avec marches dans la chapelle Sainte-Radegonde de l'Hôtel-Dieu de Chateaudun, pour lui servir de lieu de sépulture ainsi qu'à son mari. Sa mort arriva en 1661, et elle fut enterrée selon ses désirs.

Pierre II et Marguerite de Girard laissèrent deux filles. Marie, qui suite à son mariage en 1640 fut connue sous le nom de maréchale de Castelnau, et Anne, qui épousa Jérôme de Nouveau.

Marie-Charlotte de Castelnau, duchesse de Grammont,
Fille de Marie de Girard,
par Pierre Mignard

En 1647, Jacques de Girard vendit  aux sieur et dame de Nouveau, (sa nièce), les terres et seigneuries de Lespinay, du Cormier, de Meslay, le fief du Grand-Coudray et six arpents de terre au lieu dit La Rivardière.



Jérôme de Nouveau, chevalier du Saint-Esprit, baron de Lignières, seigneur de Frémont, surintendant général des postes et relais de France, fut fait grand trésorier et commandant des ordres du roi sur résignation de M.Le Tellier en 1654.

En 1639 il succéda à son père, Arnould de Nouveau, dans l'office de surintendant général des postes, des 623 relais du royaume et des chevaux de louages.

Il occupait en effet les trois offices de conseillers surintendants généraux des postes, relais et chevaucheurs de l'écurie du Roi crées par l'édit  royal de janvier 1630 : 


"A chacun desquels offices nous avons attribué et attribuons trois mille livres de gages par chacun an, qui est la somme de neuf mille livres au cas qu'ils seraient possédés par une seule personne; moyennant laquelle attribution ils seront tenus de faire faire à leurs frais et dépens le transport de toutes nos dépêches de traverse qui s'enverront hors des routes de nos postes qui est la somme de six mille livres d'appointements. Et nous voulons qu'en ladite année de leur exercice, pendant laquelle ceux qui entreront ès dites charges sont obligés de demeurer assidus près de notre personne, ils aient le plat et ordinaire en notre maison et suite et logement près de notre dite personne et les trois cents livres d'étrennes accoutumées le premier jour de chacune desdites années. Pareille somme de trois cens livres de récompense par chacun quartier d'icelles années. Et lorsque nous serons hors de notre ville de Paris, pour supporter les grands frais qu'il leur convient faire pour nous suivre, trois cent livres par forme d'extraordinaire par mois".


Un édit de 1632 attribue en outre au surintendant général "les revenus des dépêches, lettres et paquets non seulement de la Cour mais encore de tous les bureaux ouverts ou à ouvrir" que le roi s'était réservés en 1630.

Par les fonctions qu'il occupe, à la tête de tous les réseaux de communication du royaume, proche du pouvoir, doté de revenus importants, il faisait partie de l'élite de la haute finance de l'époque et figure dans la liste des grands trésoriers parmi les plus grands ministres de l'époque, les Bouthillier et les Colbert.  

A ce poste influent et lucratif, Jérosme de Nouveau va accumuler une fortune colossale et mener grand train. Pour décorer son fastueux hôtel particulier à Paris, il passa commande au peintre Jacques Le Sueur, surnommé le Raphael francais, en 1648 d'un tableau intitulé "Alexandre et le médecin Philippe", aujourd'hui perdu.



Homme allongé, étude pour Alexandre et le médecin Philippe


En 1653, Jerôme de Nouveau fit raser le chateau féodal de Lignières, en Berry, qu'il fit reconstruire entre 1654 et 1656 sur les plan de François Le Vau. Le marché s'élève à 50.000 livres. Les jardins furent exécutés par Thévenon et les canaux par Drouard. Les travaux du fontainer s'élevèrent à 18.000 livres.

Mais sa fortune insolente, cible des libelles de l'époque, finit par exciter l'envie et la haine. En 1661 il fut entendu par la chambre de justice chargée de réformer le monde de la finance. Au cours de sa déposition il reconnait avoir eu avec son beau-frère, le défunt maréchal de Castelnau (ils avaient épousé les deux soeurs Anne et Marie de Girard), une part d'un quart dans le traité du marc d'or, une affaire qui avait compromis Fouquet, surintendant des finances dont il était proche, et qui allait l'entraîner dans sa chute.

 

Jacques de Castelnau

JACQUES MARQUIS de Castelnau Mareschal de France, troisième fils de Jacques de Castelnau Seigneur de Mauvissière et de Charlotte Rouxel de Medary, devint l'aisné par la mort de ses deux frères et sastifit si glorieusement à l'obligation qu'il eu de continuer la gloire de sa Maison, qu'après avoir servy volontaire dans les guerres de Hollande il Mérita pour son premier employ de France un régiment de gens de pied qu'il commanda aux sièges de Corbie et de la Capelle. Il ne se signala pas moins les années suivantes à ceux de ST Omer du Castelet et de Hedin où il eut la jambe cassée, d'Arras et d'Aire, qui le mirent dans la première réputation de valeur et d'expérience dans les armes et qui le firent choisir par Monseigneur le Cardinal Mazarin pour conduire son régiment et pour servir en Allemagne sous Monsieur le Prince en qualité de Mareschal de Bataille. Il s'en acquita avec l'admiratrion de toutes les troupes aux deux sanglants combats de Fribourg, et l'année suivante à la fameuse journée de Nordlingue où il paya de son sang et de l'estime de tous les chefs et de toute l'armée le brevet de Mareschal de camp. Il en fit la Charge avec le mesme succès au siège de Mardick et de Dunkerke et à la défaite du Marquis Sfondrate et en plusieurs autres exploits jusqu'en l'an 1651 qu'il fut créé Lieutenant général des armées du Roy et comme cette charge luy donna part en toutes nos conquestes de Flandres et de Champagne le discours en seroit trop long pour cet éloge qui ne me permet d'espace que pour luy donner la gloire de la prise de St Manehout, de Anne en Alsace et de la réduction de Brisac qu'i négotia, il eut un cheval tué au combat des lignes de la levée du siège d'Arras, il conserva à la France les conquestes avancées du Quesnoy, de Condé  et de St Guilain, défendit vaillamment la Picardie pendant le siège de Montmidy, il investi St Venant qui fut pris, et conquit la Motte au bois, le fort d'Anvin (Annin ?) et l'année suivante 1658 commanda l'aile gauche de notre armée avec les Anglois à la mémorable bataille des Dunes, où il fit tant de merveilles que pour mieux faire voir la part qu'il eut an cette importante victoire le Roy le fit Mareschal de France mais cet honneur devoit estre le terme de ce grand homme que l'impatience de haster la prise de Dunkerke exposa de nouveau à la prise du fort Leon près laquelle  ayant fait faire un nouveau travail il y receut un coup de mousquet dans la costé gauche dont il mourut à l'aage de 39 ans le 15 juillet 1658 de la blesseure avec des sentimens de piété dignes de couroner la haute réputation qu'il s'étoit aquise. Il a laissé de Dame Marie de Girard de l'Espinay un fils successeur de son gouvernement de Brest et de son régiment de cavalerie et une fille. Son corps a esté porté aux Jacobins de Bourges.

(Retranscription du texte de la gravure originale)

Le maréchal et le trésorier ayant épousé les deux filles de Pierre II de Girard étaient réputés beaux-frères.


En 1662 Jérôme de Nouveau comparaît en justice pour exaction sur les gages des maîtres de postes et sur des surtaxes injustifiées sur le port des lettres.


Pièce relative à la Chambre de justice
(de Nouveau apparaît à la dernière ligne du paragraphe N)

Il fut condamné à une taxe de 300.000 livres (BN 500 COLBERT N° 235 folio 229 v° à 231 v°). C'est l'équivalent de l'impôt annuel que l'Alsace payait à la couronne de France  en 1701, ou encore le prix du brevet pour le gouvernement de l'Auvergne.

Jérôme de Nouveau étant tombé de dessus un cheval sur le quai de la Tournelle à Paris, il en  mourut le même jour, 14 aout 1666. Ne laissant pas d'héritiers, sa femme vendit Sainte-Radegonde au sieur de La Rigaudière et Lignieres à Anne de Gonzague, princesse de Clèves.

4-Le Breton de La Rigaudière(1666-1674)


Armes : d'azur à trois besans de gueules, chargés d'une fleur de lys d'or.



Armorial Hubert
Orléans Ms.457 Tome IV folio 43

En 1666,  Louis Lebreton, écuyer, seigneur de la Rigaudière, lieutenant pour le roi du gouvernement de Ham en Picardie sous les ordres de Charles de Moy de Riberpré, acheta à Jerome de Nouveau la seigneurie de Sainte Radegonde, avec les métairies du Cormier et de Meslay, et le fief du grand Coudray.


Le château de Ham en Picardie,
avant sa destruction en mars 1917.



On trouve dans les archives de Marideau, notaire royal à Narbonne dès 1469 mention d'un Jehan le Breton, homme d'armes étant sous la charge et conduicte de monseigneur de Dunoys, qui confesse avoir eu et receu de sire Noel le Barge, conseiller et trésorier des guerres du Roy notre Se, ses gaiges et souldes qui est de à la raison de quinze livres tournois par mois.

Puis on trouve un Pierre le Breton signalé entre 1553 et 1557 comme archer dans la Compagnie de M.de Langey (Martin du Belay). 


En 1625 un autre Pierre Le Breton était administrateur de la maladrerie et hôtel-Dieu du Puiset.


Louis Le Breton, seigneur de Sainte-Radegonde, inscrit sur la liste des nobles de l’élection du Dunois, était capitaine major du régiment de Mgr le cardinal Mazarin, placé sous le commandement du marquis de Castelnau. Il décéda en 1674.

Le 22 janvier 1677, a esté inhumée en la chapelle de Sainte Radegonde dame Elisabeth Guéau de La Rigaudière, dame de Sainte Radegonde, âgée de 44 ans, veuve de Louis Lebreton. C’était la fille de Jacques Guéau, écuyer, seigneur de Sainville et Fontenay, conseiller du roi au présidial de Chartres, chevau-léger de la garde du roi, et de Denyse de Trémault.

Leurs trois enfants Marie-Françoise, Louis et Henry nés à Sainte Radegonde furent baptisés à Lanneray en 1667, 1668 et 1670.

Mais le 24 juillet 1671 le sieur de La Rigaudière fut saisi pour 6.000 livres de dettes par Vincent Barthélémy, qui sera le prochain propriétaire de Sainte-Radegonde. Il mourut en 1674, sa femme en 1677, et leurs corps furent déposés dans la chapelle du chateau de Sainte-Radegonde.

5-Barthélémy(1680-1707)

 Armes : d'azur à la grenade tigée et feuillée d'argent, ouverte de gueules, accompagnée en chef de trois étoiles d'argent.

Devise : MA LIBERTE

Le 26 mars 1680 la terre et les dépendances de Sainte Radegonde échurent par adjudication pour 10.000 livres à Vincent Barthélémy, avocat au parlement, bourgeois de Paris,  habitant Paris, rue de la Bretonnerie, créancier du précédent propriétaire.

Portrait de Vincent Barthélémy, 1657
par Nicolas Plattemontagne
Fonds Estampes du château de Versailles 

Barthélémy était un proche de Gédéon Tallemant, dont le père avait fait fortune en établissant une prospère maison de banque à Bordeaux, et de Pierre de Puget de Montauron, le frère de Mme Tallement, fils d'un richissime receveur général de Guyenne qui avait un moment donné le ton à la haute société. Des fragments de la correspondance entre Barthélémy et Montauron furent publiés à l'appui d'une réclamation faite en 1675 par l'avocat, qui s'était lassé de prêter à son protégé de l'argent qu'on ne lui remboursait jamais.


Ayant acquis le château de l'Epinay-Sainte-Radegonde, Barthélémy s'éprit véritablement de la sainte patronne des lieux. Il a écrit un « Panégyrique de Sainte-Radegonde », retraçant la biographie de la sainte, suivi de trente neuf strophes, paraphrases de litanies qui lui sont dédiées.




On trouve dans cet ouvrage une image de Sainte Radegonde gravée par Etienne Gautrel d’après un dessin de Le Dart daté de 1681, où la sainte est représentée dans un cadre ovale, tenant en main sa crosse d’abbesse, les attributs royaux à ses pieds , avec à  droite la chapelle et à gauche l’avenue du château.




Barthélémy, qui était de ceux que l'on appelait à l'époque un dévôt, obtint du pape l'autorisation d'instituer dans sa chapelle de Sainte-Radegonde une confrérie, mais le projet finalement n'aboutit pas.

En 1687 il existe encore un moulin à vent à Sainte-Radegonde pour l'entretien duquel on commande des réparations à Etienne Boullay, charpentier.

Vincent Barthélémy avait épousé Marie de Séjournant.


A leur mort, après 1694, leur fille Madeleine, demeurant à Paris rue du Chaume, paroisse Saint-Jean, dame de Léspinay-Sainte-Radegonde, hérita du domaine qu’elle revendit le 31 avril 1707 à Noel Méry pour la somme de 19.500 livres (environ 5 millions d'euros actuels).

Noel Mery, époux de Anne-Marie Constant, revendit le château le 26 juillet de la même année au baron d’Alez pour 21.800 livres. Il est possible que Mery, qui ne fut propriétaire des lieux que pendant trois mois, ait servi de prête-nom dans cette transaction, à laquelle le baron d'Allais, huguenot, ne pouvait pas apparaître ouvertement. 
  
6-Galliot de Cambis (1707-1714)

D'azur au chêne d'or, mouvant d'une terrasse de même, accosté de deux lions affrontés d'or.

La maison de Cambis, connue depuis 1256, est originaire de Florence, où les plus anciens ont eu les premières dignités de l'État de Toscane, prieurs de la liberté, gonfaloniers, et autres ; ils ne se sont pas signalés seulement dans l'administration de la république, mais par leur valeur et leurs épées toujours au service de la France. 

Marc de Cambis fut un des chefs de l'armée du roi Louis XII à la conquête du Milanais ; Luc, fils de Marc, quitta Florence pour suivre le roi Louis XII, et s'établit en Languedoc ; 

La maison de Cambis a été admise aux honneurs de la cour les 7 février 1752, 10 janvier 1770 et 13 octobre 1787, avec les titres de comte et de marquis. 

Dès 1545, la maison de Cambis avait pris le parti de la Réforme.En 1561, le baron d'Allais apparait à la tête des réformés des Cévennes, qui sous sa conduite, s'emparent de Chaborigaud, Queyzac et Mende.

Branche principale

I. Luc de Cambis, qui suivit en France Louis XII, s'établit en Avignon avant 1448 où il épouse le 17 avril 1469 Marie de Pazzis, fille d’Alemano , dont il eut :

    II. Dominique de Cambis,  « seigneur et baron de la ville et baronnie d'Alès, Soustelle, Saint-Martin-de-Boubaux, Saint-Christol-lez-Alès, Saint-Paul-de-La-Coste, des places de Salindres et de Saint-Victor-de-Malcap ».Il avait acquis la baronnie d'Alais en 1509 de la maison de Pelet-Narbonne et avait épousé Marguerite de Damians, dont il eut une fille Marguerite, qui épouse en première noce, par contrat du 6 février 1545, Pons d’Aleyrac, baron d'Aigremont ; et en seconde noce, par contrat du 18 mai 1551, Jacques de Rochemore, veuf de Jeanne de Saint-Félix, fils de Pierre et de Jeanne d’Orjolet. Elle est connue pour avoir traduit l'Epistre consolatoire de messire Jean Boccace envoyée au Seigneur Pino de Rossi (1556).
      IV.Jean de Cambis, baron d'Alais, seigneur de Soustelle, gouverneur de la viguerie d'Alais, lieutenant du roi en Languedoc, gentilhomme ordinaire du prince de Condé, fut un des plus zélés huguenots du Languedoc. A la tête de 12 cavaliers et trente fantassins partis d'Allais, il fut un des premiers arrivés sous les murs de Nîmes lors de la prise de cette ville par les réformés en 1566. Il épousa le 4 septembre 1562 Marie de Barlant, dont il eut :
        V.Galeot de Cambis, seigneur de Soustelle épousa en premières noces en 1601 Jeanne de Louviers dont il eut deux fils tués en Piemont en 1626, puis en secondes noces en 1606 Elisabeth de Villeneuve dont  il eut un fils unique, Galeot II, qui suit.

        VI.Galeot II de Cambis de Soustelle,  épousa en 1649 Marie de Villeneuve d'Ambelles sa cousine germaine. Il avait embrassé d’abord la carrière militaire, avant de devenir pasteur  à Romorantin dans le Berry en 1668. Il se retira aux Provinces-Unies à la Révocation de l'édit de Nantes, et eut la douleur de ne pouvoir emmener avec lui ses fils, qui avaient dépassé l’âge de sept ans, dont Galeot III, qui suit;


        VII. Galliot de Cambis, chevalier, baron d’Alez, marquis du Grand-Mesnil, seigneur de Sèvres, Lize, Lespinay-Sainte Radegonde, et de Lanneray, de Meslé, du Cormier, du Grand-Coudray, chevalier de l’ordre de Saint-Lazare, était maître de camp d’un régiment de cavalerie. Il avait épousé Marguerite Leprévost, dame de Blois, et mourut veuf en 1730.

        Le prénom Galeot, porté par trois générations successives de Cambis de Soustelle est sans doute une référence au Décameron "aultrement surnommé le prince Galeot, qui contient cent nouvelles, racomptees en X jours par sept femmes et trois jouvenceaulx; le quel livre escrivi Jehan Boccace de Certald en langaige florentin, et qui n'agueres a esté translaté premierement en latin et secondement en françois". On se souvient que la tante du premier Galeot de Cambis, né vers 1570, avait publié en 1556 des traductions françaises de Boccace.

        On trouve dans les archives de René Lemaître, notaire du comté de Dunois à Chatillon (Archives départementales d'Eure et Loir, liasse E.3680) un acte de notoriété daté de 1711 constatant la prise de possession de la seigneurie de l'Epinay-Sainte-Radegonde par Galiot de Gambis, baron d'Alez. 

        Dans la liasse suivante figurent encore deux actes signés par le baron d'Alez:

        Le premier est un accord entre François-Charles Brisset, curé de Lanneray et Galiot de Cambis, pour la dîme des terres de la seigneurie de l'Epinay-Sainte-Radegonde.

        Le second est un bail consenti par Galiot de Cambis pour le moulin de Sainte-Radegonde. Il s'agit là d'une rare allusion à un bâtiment du domaine aujourd'hui disparu.

        Lorsque le baron d'Alez, qui était issu d'une famille huguenote décida de vendre le chateau, il eut besoin de l'autorisation du roi. Le  brevet royal est ainsi motivé : "parce que le baron d'Alez a eu le malheur d'avoir cy-devant professé la religion protestante (R.P.R.) et que, par cette raison, il ne peut faire cette aliénation sans la permission de S.M. Il a très humblement supplié S.M. de vouloir bien le lui accorder, à quoi ayant égard et désirant traiter favorablement le dit sieur d'Alez, en considération de sa conversion sincère à la religion catholique, apostolique et romaine, S.M.lui permet de vendre à charge de remploi par retrait lignager" .

        
        
        7- Remigeault du Montoy (1714-1752)



        Armes :  d'or, à l'arbre arraché de sinople, soutenu d'un tourteau de sable; au chef d'azur, chargé de trois losanges d'argent, qui est aussi de Loménie.

        Le 19 mai 1714, le baron d’Alez vendit à Marc Remigeault du Montoy, écuyer, les fiefs et terres de Sainte-Radegonde, du Meslay, du Cormier et du Grand-Coudray y compris la haute, moyenne et basse justice et tous droits honorifiques moyennant 30.000 livres.

        En 1694, Marc Antoine Remigeault du Montoy père, époux de Françoise Garnier, riche négociant qui fut maire perpétuel de Marseille, était déjà possessionné sur la paroisse de Lanneray. Dans les minutes de Michel Charpentier, notaire à Chateaudun, figure un bail pour sa métaierie de la Monnetière (Archives départementales d'Eure-et-Loir, liasse E.3640).

          


        Le 25 juin 1679 le sieur Marc Antoine Remigeault du Montoy est pourvu de l'office de Conseiller secrétaire du Roi, maison et couronne de France et de ses finances en la chancellerie de Toulouse. Il résigna cet office en 1691 et fut ensuite conseiller au Parlement de Metz.

        Le 15 avril 1707, Marc Antoine Remigeault du Montoy, épousait Marie-Jacqueline Fourment, fille de feu Nicolas Fourment, bourgeois de Paris, et d'Anne-Marie Jabach, demeurant rue Saint-Médéric; l'acte de mariage est signé Chamillart, Nicolas Desmarets-Maillebois et Robert-Michel Le Peletier des Forts, qui tous trois occupèrent le poste de ministre de l'industrie !

        Michel de Chamillart, fut Contrôleur Général des Finances du roi Louis XIV de 1699 à 1708 et Nicolas Desmarets-Maillebois luis succeda de 1708 à 1715. Robert-Michel Le Peletier des Forts, occupa le poste sous Louis XV de 1726 à 1730.

        M. Remigeault du Montois habitait rue Saint Merry, dite aussi Saint-Médéric, à Paris, dans un hôtel particulier qui avait appartenu à la famille de sa femme. Mme Jabach, veuve de M. Nicolas Fourment, directeur de la manufacture royale de bufflés de Gorbeil, y avait habité après son frère, M. Everard Jabach fils, qualifié dans un livre d'adresses premier banquier pour la Hongrie, la Turquie et la Pologne.
         
        A l'hôtel Jabach se rattachaient trois ou quatre petites maisons, dont l'une, était occupée par le garde-magasin de la manufacture de buffles.

        L'historiographe Germain Brice reproche à l'hôtel le peu de clarté de ses appartements et de « ses jardins serrés ». Il dit aussi : « Billet a fait plus que les autres pour l'hôtel Jabach, où tous les nobles architectes ont donné des dessins,» et il loue la distribution heureuse des appartements restaurés par Dulin. Mais on cite ailleurs Jean Marot comme l'architecte dont le travail à été mis le plus à profit. Au reste, Everard Jabach devait s'être établi rue Neuve-Saint-Merri pendant la jeunesse du grand roi, et avoir fait son hôtel d'une maison que Jean Gobelin le jeune avait eue à sa disposition sous Henri III. Du temps des Jabach vers le milieu du XVIIIe siècle, il s'y tenait des assemblées : on appelait ainsi des fêtes organisées pour le jeu et la danse, et l'Opéra leur en voulait de faire concurrence à ses bals.


        Nicolas Fourment, le père de Mme du Montoy, était parent d'Hélène Fourment, la seconde femme de Rubens, et avait épousé en 1671 Anne Marie Jabach, fille aînée d'Eberhard Jabach et d'Anne-Marie de Groote, née le 8 avril 1661.  



        Hélène Fourment, dame d'Attevoorde, 1614-1673,
         par Rubens 

        Les Fourment, originaires d'Anvers, étaient négociants en tapisserie, et les Jabach, de Cologne étaient banquiers.

        La famille Jabach par Charles Le Brun.
         Autrefois au Kaiser Friedrich Museum de Berlin
         (détruit dans un incendie lors de la seconde guerre mondiale)
        Anne Marie, la belle-mère de Marc du Montoy est le dernier personnage sur la droite.
         

        Everard Jabach, par Rigaud
        1688, Tournai



        Mlle Fourment, épouse du Montoy, était la petite-fille d'Everard Jabach (1618-1695). Né à Cologne dans une famille de banquiers, il s'installe à Paris en 1638, devient le banquier de Mazarin et obtient les titres de directeur de la Compagnie des Indes Orientales et de la manufacture d'Aubusson, bien connu à son époque pour des constructions splendides et des collections d'objets d'art, où par une habile opération il avait fait entrer partie des plus beaux tableaux de la galerie de Charles I.d'Angleterre entre 1650 et 1653. A deux reprises, en 1661-1662 puis en 1671, il cèda une partie de sa collection à Louis XIV; les cinq mille dessins de la seconde vente, entrant alors dans les collections royales, constituèrent ensuite le fonds de l'actuel Cabinet des Dessins du Louvre. Il passa en 1686 avec Louvois, surintendant des arts et manufactures, un contrat qui lui assurait durant trente ans la continuité du privilège accordé en 1667 à Antoine de La Haye pour établir à Corbeil et partout ailleurs la fabrication des peaux de chamois, buffles, orignaux, boeufs, veaux, moutons, boucs, etc, qui servaient à faire les pourpoints ou buffles sans manches, à l'usage des gens de guerre. Cette fabrique ou manufacture passa ensuite aux mains de Marc Remigeault du Montoy, qui avait épousé sa petite fille.
        Le sieur du Montoy fut également interessé dans la manufacture royale des glaces de France, dite de Saint Gobain, et en particulier pour l'exportation de la production vers l'Orient.
        Les archives de la Cie de Saint-Gobain conservent un extrait des registres du Conseil d'Etat en date du 24 juin 1702 :

        Nous sousignés sommes demeurés d'accord de nous associer comme par ces présentes nous nous associons en commandite, chacun pour les parts et portions ci-après déclarées, au commerce et envoi des glaces, miroirs et autres marchandises à faire à Constantinople aux echelles du Levant et retour en France, pour partager entre nous les profits et pertes aux clauses et conditions suivant les articles ci-après :

        1° La Société sera composée de 20 sols dans lesquels nous serons associés :
         

        Guymont père pour 6 deniers. 
        
        
        Michel Bégon — 1 sol. 
        
        
        Charles Joseph de Courcelles — 1 — 
        Huaut de Bernay — 6 deniers. 
        
        
        Marc Remigrand Montois — 1 sol. 
        Renouard — 1 — 
        
        
        Bachelier — 6 deniers. 
        
        
        César Colin de Beauregard — 6 — 
        
        
        Veuve Poquelin — 6 — 
        
        
        Joseph Boud — 5 sols. 
        Nicolas de la Croix — 2 — 
        
        
        Guillaume du Noyer — 6 deniers. 
        
        
        Jean Jourdan — 1 sol. 
        
        
        Guymont lils — 
        
        
        Albert — 
        
        
        Pierre Nivelle de la Chausse — 
        Pequot de Saint-Maurice — 
         
         
        « Sur le pied desquels intérêts nous partagerons les profits et suppor- 
        terons les pertes qui pourront arriver. 
         
        « 2° Moi, Jourdan, je me charge de vendre à la Compagnie toutes les 
         glaces qu'elle voudra pour envoyer à Gonstantinople... lesquelles me 
        seront payées comptant à escompte de 5 %. 
         
        « 3° Le premier envoi ne pourra excéder la somme de 60 000 livres. 
         
         5° et 6° On enverra à Constantinople deux metteurs au tain et un 
        autre ouvrier. » 
         
        A la mort du sieur du Montoy en 1723, il s'averra que ses affaires étaient fort embrouillées. 
         
        En 1748 la propriété était en vente.
         
         
        Mais la succession fut mise sous séquestre jusqu’en 1752, date à laquelle le château fut mis en vente et adjugé à François le Maire, pour la somme de 23.500 livres.

        En 1735, les commissaires généraux du Conseil d'Etat députés par S.M. pour connaître des contestation nées et à naître au sujet de la succession et pour les ventes et adjudications de ladite succession adjugèrent à Mme Remigeault les biens autres que Sainte-Radegonde.

        C'est ainsi que leur fille Rosalie, qui avait épousé Georges de Gogué, seigneur de Moussonvilliers, hérita des fiefs et seigneuries du Thoreau et de la Charmoye (paroisses de Bazoche-Goët et de Châtillon), qu'elle vendit en 1776 à François Le Maire, seigneur de Sainte-Radegonde qui reconstituait le domaine tel qu'il était du temps des Montoy.

        8-Le Maire-Cugnot-Pron (1752-1945)

        Le 23 juillet 1742 François, Bernard, Louis Le Maire, receveur du domaine du Roy, avait acheté des héritiers de Mme Remigeault les métairies de La Chambrie, de la Monnetière et de Montesnon.

        Quand il entre en possession de Sainte-Radegonde en 1753, il réunit ces biens au domaine dont ils ne sortiront plus. Il continua sa reconstitution du domaine en achetant en 1776 à Mme de Gogué les fiefs et seigneuries du Thoreau et de la Charmoye qu'elle avait hérité de sa mère Mme Rémigeault.

        Le samedy 27 octobre 1770, messire François Le Maire, seigneur de L’Epinay Sainte Radegonde et du Grand Coudray, de Lanneray et autres lieux racheta moyennant 500 livres les droits féodaux dus par sa seigneurie à celle souveraine de Montigny. 

        En 1774 François Lemaire, seigneur de Sainte-Radegonde figure au nombre des avouants, pour une reconnaissance à Léon Leclerc de Jugné et Adélaïde de Saint-Simon de Courtomer sa femme, pour des terres relevant de seigneurie de Montgasteau. 

        A le même époque, il reçoit conjointement avec Julien-Louis Duguay, seigneur de la Touche-Hersant, pour sa métairie des Frétons, l'aveu des seigneurs du Mée.


        Le Maire, né en 1705, mourut à Paris en 1786, laissant de son mariage avec Sophie Le Rocquée, décédée en 1743, une fille, dame Anne Armande Sophie Le Maire, qui avait épousé en 1762 messire Clément Cugnot, escuyer, seigneur chatelain des Déserts et de Vieuvicq, de Mothereau et de la Moutonnière, seigneurie qu'il avait acquise en 1782 de Paul de Barjol, comte de Rancé. Par son mariage, il devint seigneur de Sainte-Radegonde. Dans les almanachs royaux il est généralement appelé M.de l'Epinay.



        Armes de l'Epinay : d'azur au cygne d'argent nageant sur une rivière de sinople; au chef de gueules, chargé d'une molette d'argent, accoté de deux besans d'or, supporté par deux cygnes blancs naturels aux ailes éployées.


        Clément Cugnot était le fils de Lazare Cugnot, secrétaire général des fermes du roy, décédé en 1759 et d'Augustine Louise Naive (1711-1759). Il fut conseiller et secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances, après son père secrétaire général des fermes depuis 1776, puis fermier général de sa Majesté de 1784 à 1791, demeurant à Paris,  paroisse de Saint Eustache. 

        La Ferme générale fut instituée en 1726 : la monarchie qui frôlait régulièrement la banqueroute, décida de déléguer par bail à une compagnie privée la charge de percevoir les impôts tels que la taille, l'impôt sur le sel (la gabelle), sur le tabac, ou encore sur l'huile, le sucre ou le vin qui entraient dans les villes (l'octroi).

        Le ministre des finances désignait un adjudicataire du bail, pour lequel 40 fermiers généraux se portaient caution; ils dirigeaient collégialement la compagnie. On dit que les impôts sont affermés car un bail prévoit que l'état percevra un loyer fixe, tandis que les fermiers, appelés financiers, traitants ou partisans, chargés de la collecte de l'impôt se partagent les excedents.

        A la veille de la Révolution, la Ferme générale incarne l'injustice du régime monarchique qui permet à une minorité de nobles exonérés d'impôts d'accumuler des fortunes colossales sur le dos d'un peuple qui croule sous les taxes diverses, grief omniprésent dans les cahiers de doléances .


        Clément Cugnot de l'Epinay fut arrêté, emprisonné, puis guillotiné le 19 floréal de l’an II (8 mai 1794) avec 25 autres fermiers généraux, dont Lavoisier.








        Lavoisier en costume de fermier général

        Le 13 nivôse de l'an II, des membres des Comités révolutionnaires des sections du Contrat-Social et du Bonnet-Rouge se sont transportés rue de la Jussienne, n° 433, dans un appartement au 3ème étage sur la cour, occupé par le citoyen Cugnot de l'Epinay, ci-devant fermier général, et ont apposé des scéllés sur un secrétaire en bois d'acajou et de petites armoires près de la cheminée.

        Le 28 nivôse, le Comité de sûreté générale autorise l'apposition de scellés sur les maisons de campagne appartenant audit de l'Epinay, près de Chartres, dénommées Montereau, la Moutonnière, Feugère, la Mont-Parentière et Brou. On notera que Sainte-Radegonde, qui appartenait à sa femme, ne fut pas confisqué.

        Le 16 floréal an II, Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, accusateur public au Tribunal révolutionnaire, rédige un acte d'accusation contre 28 ci-devant fermiers généraux interessés dans les baux de David, Salzard et Mager, dont Clément Cugnot de l'Epinay :

        1° Pour au lieu de se borner pendant le bail de David à la jouissance des interêts à 4% que leur accordait le bail enregistré dans les cours sur les 72 mllions de prêts remboursables par année et par sixième, s'être attribué des interêts à 10%, et par les attributions introduites dans les frais de la régie, s'être procuré des bénéfices non alloués, dont les capitaux ont fructifié entre leurs mains;
        2° Pour avoir exercé sur le peuple une concussion en introduisant dans le tabac, après sa préparation, de l'eau dans la proportion d'un septième, et en lui faisant payer cette eau au prix du tabac, concussion aussi dnageureuse pour la santé du consommateur que nuisible à ses interêts;
        3° Pour avoir enfreint les clauses du bail qui les assujétissaient   à verser chaque mois le produit des droits qui leur étaient donnés en régie.
        4° Pour avoir préjudicié aux droits du gouvernement en faisant substituer au dixième établi par l'édit de 1764 et l'arrêt du 4 février 1770 sur les bénéfices résultant de du bail les dispositions de l'arrêt du 21 février 1764;
        5° Pour avoir sollicité et obtenu une indemnité pour la distraction d'une partie des perceptions qui leur était confiée, lorsqu'il était évident qu'elle ne leur était pas onéreuse;
        6° Pour avoir retenu dans leurs mains  des fonds provenant des bénéfices, lesquels devaient être versés dans le Trésor public, au moment où ils se sont répartis la portion qui leur en revenait; 
        7° Pour avoir consenti des gratifications extraordinaires à des personnes qui n'y pouvaient prétendre et avoir en outre ordonné des dépenses contre les principes consacrés et avoir disposé par ce moyen de ce qui appartenait au gouvernement;
        8° Enfin pour avoir liquidé les débets des comptes qui concernaient leur administration avec l'argent provenant de l'administration nationale.

        On conserve aux Archives Nationales (W362-N° 785), le procès-verbal du 18 floréal an II de l'interrogatoire subi devant Gabriel-Toussaint Scellier, juge au Tribunal révolutionnaire, par Clémént Cugnot de l'Epinay, agé de 55 ans, natif de Paris, ex-fermier général, demeurant rue de la Jussienne, section du Contrat-Social, auquel il est demandé s'il ne s'est pas rendu coupable de dilapidations des finances du gouvernement, d'exactions, de concussions et de fraudes envers le peuple, a répondu, jamais. Il lui est également demandé quel est le département que lui avait confié la compagnie, a répondu celui de la ci-devant province de Provence. Il lui est demandé encore si il a un défenseur, sur sa réponse négative, lui est désigné Julienne.

        Le 19 floréal un jugement du Tribunal révolutionnaire condamne les 28 fermiers généraux à la peine de mort, déclarant leurs biens acquis à la République, et ordonnant l'exécution du jugement   dans les 24 heures sur la place de la Révolution. L'exécution eut lieu le jour même.

        C’est ce Clément Cugnot de l'Epinay, qui, du temps de sa splendeur, fit démolir en 1780 l’ancien manoir pour y construire le château actuel de style Louis XIII.


        Les fossés furent comblés et l’on ne conserva qu’un grand bassin rectangulaire, les douves, qui ferment la cour au sud, et qu’il faut franchir par un petit pont fermé d’un portail. Le Plessis, ou Bois de la Garenne, fut compris dans l’enceinte du parc. Les deux pavillons détachés à droite et à gauche ont été construits en 1777 et 1778. La vieille tour de l’Horloge adossée au pavillon de droite est tout ce qui a été conservé de l’ancien château. Le cadran de l’horloge ainsi que la lanterne qui surmontait le toit et abritait la cloche ont malheureusement disparu.

        La chapelle fut détruite à la Révolution, les tombes ouvertes et profanées. La statue qu’on y vénérait est conservée dans la chapelle de la Vierge de l’église paroissiale de Lanneray.

        Le château de Sainte-Radegonde étant bien de femme ne fut pas confisqué à la Révolution et Armand Thomas Cugnot de l’Espinay, le fils du fermier général décapité, n’ayant pas émigré, put y vivre.

        Né en 1775, il eut pour parrain M.de Miromesnil, chancelier et garde des sceaux de France, dont il portait les prénoms.


        Armand Thomas Hue,
        marquis de Miromesnil

        Armand Cugnot mourut à Paris en 1806 d’une chute de cheval, étant écuyer de Madame Mère ( Maria Letizia Bonaparte). 


        Mémoires de la duchesse d'Abrantes

        Armand Cugnot avait épousé le 23 germinal de l'an II Marie Victoire Eléonore Tascard, dont la mère, Jeanne Gourdon de Precy, avait épousé en secondes noces Louis Adrien Prévost d’Arlincourt, fermier général décapité en même temps que Clément Cugnot, le père d’Armand.

        Mlle Tascard était donc la demi-sœur du célèbre romancier romantique  le vicomte Charles Victor d’Arlincourt, grand rival de Victor Hugo, qui sur l’intervention de Mme de Précy, remplaca Cugnot dans la charge d’écuyer de la mère de l’Empereur.

         
        Le vicomte d’Arlincourt

        Armand Thomas Cugnot de l’Espinay mourut en 1809 laissant quatre filles qui furent : la marquise de Varambon, la comtesse de La Saussaye, la baronne de Gueret et la baronne Pron.

        La baronne Pron mourut en 1822 . Elle avait épousé Pierre, Joseph Pron, né en 1785, polytechnicien de la promotion 1804, lieutenant en 1811 et puis chef d'escadron, promu général de brigade d’artillerie en 1813 puis maréchal de camp sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, grand officier de la Legion d’Honneur, commandant de l'école du génie de Metz en 1841, anobli par lettres patentes du 13 avril 1816, baron par lettres patentes du 15 avril 1829. Il mourut en 1865.

        Le château revint à leur fils, le baron Marie Joseph Auguste Pron Cugnot de l’Espinay (1820-1903), commandeur de la Légion d’Honneur, qui fut chef de cabinet du ministre de la Justice en 1847, préfet de la Sarthe 1852-1857, des Basses-Pyrénées 1858-1861, de la Manche 1862-1865 et pour finir dernier préfet impérial du Bas-Rhin 1865-1870 à  Strasbourg, où il s’illustra dans la défense de la ville contre les prussiens en 1870.


        Le baron Auguste Pron, 1820-1903
        photographié par Franck, place de la Bourse, après 1861

        On disait du baron Pron qu'il ne pouvait supporter la présence d'un autre uniforme que le sien.


        Tout fraîchement arrivé à Strasbourg, le nouveau préfet, le baron Pron, prononce le 14 décembre 1865 un discours devant la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace :  

        "Vous connaissez tous de réputation l'ancienne église du Mont-Saint-Michel, cette merveilleuse prière de granit élevée par la foi du Moyen-Âge. Depuis la Révolution, l'église et le monastère, après avoir été pendant des siècles des maisons de prière et d'étude, étaient devenus une prison d'Etat.Sur mes instances, le sanctuaire du Mont-Saint-Michel vient d'être rendu au culte; les 500 détenus ont été évacués sur d'autres prisons et j'ai eu la joie, avant mon départ de Coutances, de mettre l'antique église à la disposition de Mgr l'évêque. Pour les frais de la restauration, S.M. l'Empereur a fait remettre à ce prélat, par mon entremise, la somme de 20.000 fr de sa cassette privée".

        Quand la nouvelle fut confirmée à Strasbourg en septembre 1870 que la république était proclamée à Paris, que l'Empereur était prisonnier, que 80.000 soldats français avaient capitulé à Sedan et que les Prussiens étaient sous les murs de Paris il démissionna. Le procès-verbal de la commission municipale de Strasbourg en date du 12 septembre 1870 relate l'annonce officielle de ces évènements par le baron Pron, préfet du Bas-Rhin:

        "A ce moment de la séance, M.le Préfet entre dans la salle, prend place au bureau, et communique à la Commission les dépêches importantes qu'il venait de recevoir.  

        Ces nouvelles consistent dans la déchéance de la dynastie napoléonienne, dans la proclamation de la république et dans la constitution d'un gouvernement de défense nationale.

        M.le Préfet donne ensuite lecture d'une proclamation qu'il adresse aux habitants de Strasbourg pour leur annoncer que, dès hier soir, sur le bruit apporté par des étrangers honorables que la République était proclamée à Paris, il s'était empressé d'écrire aux membres du gouvernement provisoire qu'il résignait son mandat et se bornerait en attendant l'arrivée de son successeur, à assurer la tranquillité publique et à garantir devant l'ennemi la dignité du drapeau national.

        M.le Préfet a fait encore la communication suivante : qu'il résulte d'une lettre particulière reçue par lui, que le Corps législatif a déclaré "que Strasbourg, ses soldats et ses citoyens ont bien mérité de la patrie".

        Après ces communications, M.le Préfet se retire". 

        Le baron Pron obtint par décret du 21 octobre 1877 le droit de joindre à son nom celui de sa famille maternelle pour s'appeler baron Pron Cugnot de l’Epinay de Sainte-Radegonde (parti d’azur à deux chevrons d’or accompagnés en pointe d’un épée d’or en pal avec une branche de lys naturelle enroulée autour, et d’or au canon debout naturel accompagné en chef de deux étoiles de gueules supporté par deux lions debout).

        Il a laissé des Mémoires qui n'ont pas été publiés.

        Il apparaît en revanche dans le Journal de Xavier Marmier, 1848-1890 (Droz, 1968), romancier, poète, voyageur, traducteur des littératures du Nord, professeur, rédacteur en chef de la Revue Germanique,  conservateur, puis administrateur général de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, qui propagea en France la langue et la littérature allemande. Il avait donné des leçons de littérature aux deux filles de Louis-Philippe, Clémentine et Marie, et fut élu à l'Académie le 19 mai 1870 en remplacement du comte de Pongerville.

        "M.Pron que j'ai connu avant 1848 simple attaché au ministère de la Justice, mais déjà très vaniteux et très présomptueux, a épousé une femme très riche, mais très laide, circonstance atténuante pour sa dernière équipée. Après avoir manifesté une grande admiration pour le gouvernement de Louis-Philippe, il a reconnu également les vertus de la République, puis encore celles de l'Empire. Il a été nommé préfet, et a passé par plusieurs préfectures en faisant partout des sottises. Sous un autre gouvernement, il aurait été destitué. Sous celui-ci, il prospère. Le voilà maintenant à Strasbourg, et il y devient amoureux de la femme d'un lieutenant d'artillerie , courtisée aussi par son secrétaire général, M. de Guernon-Ranville, le fils de l'ancien ministre à qui on avait donné à son baptême cette singulière association de prénoms : Martial, Cosme, Annibal, Perpétue, Magloire. Le lieutenant ne paraît nullement inquiet des visites de ces deux fonctionnaires. Mais on en parle en ville, surtout dans son régiment. Un jour, son colonel croit devoir l'avertir qu'il est l'objet de plusieurs fâcheux commentaires. La-dessus le lieutenant rentre précipitamment chez lui, y trouve M.de Guernon-Ranville et le provoque en duel. Le lendemain, réunion sur le champ de bataille. Les témoins demandent le pistolet. - Soit, dit le lieutenant. Puis, que les adversaires soient placés à 30 pas de distance.- Non! Non! s'écrie le mari outragé. A 10 pas, s'il vous plaît. Je veux tuer ce Monsieur. A 30 pas, je pourrais le manquer. Alors M.de Guernon-Ranville proteste à son tour. Il dit que n'étant point coupable, il a bien voulu, par un sentiment de dévouement, tenir la place de son préfet. A trente pas son dévouement subsiste. Mais à 10 pas, c'est trop dangereux, et il refuse le duel. Le lieutenant à qui il faut une vengeance, va tout droit provoquer le préfet qui lui dit que sa situation ne lui permet pas de se battre avec un officier d'un grade inférieur, mais qu'il veut bien aller sur le terrain avec le colonel qui a suscité toute cette affaire. - Très bien! s'écrie le colonel quand on lui fait cette proposition. Je suis le père de mon régiment. Je me bats pour l'honneur de mon régiment. Mais le préfet a eu soin d'annoncer ce projet de combat au ministère de l'Intérieur et par le télégraphe arrivent deux dépêches, l'une envoyée par le ministère de l'Intérieur, l'autre du ministère de la Guerre adressée au colonel, toutes deux interdisant formellement ce duel. M.Pron est venu à Paris, probablement pour donner les explications qui lui étaient demandées; et l'on dit qu'il n'ose retourner à Strasbourg, les officiers de la garnison étant furieux contre lui."


        Dernier prefet de l'Empire, le baron Pron mourut au château le 19 mars 1903. Il avait épousé Marie-Delphine Canuel, décédée à Paris à l'âge de 50 ans le1er mai 1880.


        Marie Delphine Canuel
        Baronne Pron, femme du préfet
        entre 1857 et 1865
        Fonds Eugène Disdéri 

        La baronne Pron, née Canuel, était issue d'une riche famille d'industriels. Ses ancêtres avaient exploité les forges de Dampierre fondées par le duc d'Enghien en 1670, que Louis XV acheta en 1770 pour les offrir à son petit-fils, le futur Louis XVIII. L'exploitation fut vendue comme bien national à la Révolution et adjugée en 1791 aux frères Canuel qui devenaient ainsi propriétaires des biens qui leur étaient affermés jusque là. Cette entreprise où étaient fondus les canons de la marine royale depuis Colbert et tous les boulets de canons pour Rouen, Le Havre ou Saint-Malo, devait naturellement bénéficier de la révolution industrielle et en particulier de l'apparition du chemin de fer. La famille Canuel était alliée avec les Boigues, propriétaires du Creusot avec les frères Schneider et la banque Sellières.

        Leur fils et héritier, le baron Marie Antoine Ferdinand Pron Cugnot  de l’Espinay eut d'abord le projet de vendre le chateau, qui n'aboutit pas cependant.
         

        Il fut pendant la Grande Guerre sous-lieutenant au 32 ème régiment de chasseurs à cheval, l'ordonnance du colonel Vincendon qui commandait le 279 ème régiment d'infanterie. Il a laissé plusieurs centaines de photos de cette période, prises notamment pendant la bataille de l'Artois, et qui ont conservées par l'ECPAD ( Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense).

         Le baron Ferdinand Pron
        Photo du pavillon ouest de Sainte-Radegonde,
        prise par le maître des lieux entre 1914 et 1918.

        Il vendit le 19 décembre 1945 le château de Sainte Radegonde à François Boulloche, né le 30 juin 1894 directeur d'une compagnie d'assurance, demeurant à Paris, 6 rue Jean Carries, dans le 7ème arrondissement, époux de Camille Duclos.




        Mon grand-père Aimé Trouilleux acheta le château le 1er janvier 1949. A cette époque les bâtiments de la ferme, écurie, grange et hangars situés derrière les communs à l'ouest ne faisaient plus partie de la propriété. 



        Pour le reste, rien n'avait changé depuis deux siècles : on arrive au château par trois portes grillées donnant dans la cour dont la principale se trouve vis à vis du bâtiment principal, sur un petit pont qui franchit les douves (le "vivier "sur le plan), dans le prolongement de la grande allée qui menait au village de Lanneray. Les deux autres grilles sont face à face, sur un axe perpendiculaire à la grande allée, longeant les douves et la route du Grand Coudray.  



        Le pavillon occidental abritait une pièce à usage d'atelier et une grande remise où l'on pressait les pommes, tandis qu'à l'étage habitait Lucien, le jardinier. Au sud ouest de ce bâtiment se trouvait le bûcher. 



        Dans le pavillon oriental, parfaitement symétrique et qui abritait autrefois le logement du régisseur et la buanderie, se trouvaient le fruitier et deux remises à usage de garage où dormaient une voiture à cheval et la vieille Citroen 2 CV fourgonnette  qui faisait office de Range Rover. A l'étage se trouvait un appartement occupé successivement par une sœur puis un frère de mon père qui pendant quelques années ont vécu à demeure au château avec leur famille. Au coin sud se trouvait  la vieille tour de l'horloge, légèrement penchée, dernier vestige du premier château de l'Espinay. A l'est de ce bâtiment se trouvaient la basse cour, le poulailler, le puits et l'emplacement supposé de l'ancienne chapelle.



        On accédait au bâtiment principal du château  par un grand escalier rectangulaire, une sorte de pyramide à 3 côtés qui menait à un vestibule en lanterne desservant à droite trois salons et à gauche un corridor menant à la salle à manger, à  la cuisine, avec cloche et office, et au grand escalier. A l'entresol se trouvait une lingerie où l'on séchait les noix, et au premier étage trois appartements composés chacun d'une grande chambre avec cheminée, anti-chambre et cabinet de toilette, ainsi que deux belles chambres avec alcôve. Au second étage un couloir séparait une dizaine de chambres et cabinets, et menait à un grenier.




        Mes parents venaient souvent passer le week-end à Sainte-Radegonde car ce n’était pas loin de Paris. Souvent nous y retrouvions des cousins. Lorsque nous étions nombreux, les enfants mangeaient autour de la grande table de la cuisine, transformée en cantine. On échappait ainsi au cérémonial du déjeuner à la salle à manger au cours duquel les enfants ne parlaient que s’ils étaient interrogés par mon grand-père, c'est-à-dire une fois par repas tout au plus. J’étais chargé d’aller chercher le cidre à la cave avant le repas, ce qui m’avait valu le titre de « Grand Echanson » que j’assumais avec autant de fierté que de terreur, car il s’agissait d’être à la hauteur, et de ne pas s’exposer à une remontrance : les compliments eux-mêmes, d’ailleurs forts rares, étaient dits sur un ton tonitruant qui me glaçait d‘effroi.


        Mon grand père qui avait été planteur d’hévéa en Indochine avant la guerre, avait conservé sa passion pour les arbres. Toutes les prairies de la propriété furent donc transformées en vergers.  En automne, nous étions réquisitionnés pour les récoltes. Quelqu'un montait dans l’arbre pour le secouer, puis nous formions un cercle tout autour: chacun se dirigeant vers le tronc remplissait son panier. Les noix sécheraient à la lingerie, tandis que les pommes et les poires seraient pressées pour faire du cidre, du poiré et du calva.


        Jusqu’à ce qu’il devienne fou et tente de mettre le feu au château, vivait sur la propriété où il était né, un vieux jardinier, appelé Lucien, toujours en bleu de travail, une casquette sur le crâne et poussant une vieille brouette en bois. Il était en charge du potager et des ruches. Mon grand-père élevait pour le commerce des oies, des dindes et des moutons. Et pour son usage domestique il nourrissait également des poules et des pintades, des tourterelles des faisans et des paons, ainsi que quelques poneys et des chiens de chasse.



        Son mode de vie était assez spartiate : de mon temps il n’y avait plus de femme auprès de lui. Seule sa vielle sœur Marie, célibataire, venait passer quelques mois l’été avec lui. Il avait certes apporté un peu de confort dans cette vieille demeure en y faisant installer le chauffage central. Mais son sens pratique l’emportait hélas sur tout jugement d’ordre esthétique. Ayant accommodé assez décemment avec des meubles dont il avait hérité le petit salon où nous nous tenions d’ordinaire, il avait en revanche transformé le petit bureau attenant  en chambre froide, et installé dans le grand salon, autour d’une affreuse table de ping-pong, quelques énormes couveuses où venaient au monde, sous les lambris du dix huitième siècle, des wagons de petits oisillons hagards…

        Le matin, Bon-Papa ne descendait pas pour le petit déjeuner. En passant devant la porte de sa chambre, on voyait son verre de lait vide.


        Le boulanger livrait d'énormes miches de pain. Mais à part cela, presque tout ce que nous mangions était produit sur la propriété. 


        Les menus n'étaient pas fort variés mais nul ne songeait à s'en plaindre : tomates ou radis du jardin, viande de dinde  ou  de mouton, haricots verts ou riz au nuoc-mam, yaourt fait maison, omelette norvégienne, compote, pommes et noix. Tante Marie nous faisait d'immenses tartes au pommes couvertes et cuites à meme la plaque creuse du four. Comme gourmandise, elle faisait encore de la pate de coing qu'on conservait dans des assiettes creuses au fond des placards de la cuisine, et mon grand père avait toujours des chocolats Weiss qu'il rapportait de Saint Etienne, sa ville natale. 

        Après le déjeuner, on prenait le café dans la cour ou dans le salon, selon la saison. Mais mon grand-père remontait bien vite dans sa chambre où on le voyait s’installer au bureau  devant sa fenêtre : il boursicotait en écoutant la radio.

        L’après midi nous allions faire un tour : on rapportait des fleurs qu’il fallait cacher dans les chambres car Bon–Papa détestait les bouquets, ou bien des champignons qui viendraient parfumer l’omelette du soir, ou encore des marrons que l’on ferait griller dans la cheminée.

        L'hiver, nous passions de longues heures au salon, devant un bon feu. Mon grand-père racontait les étapes et les rencontres de son dernier voyage. Il commentait les faits et les discours des grandes figures politiques de l’époque : Kissinger et Golda Meir. Puis il donnait des nouvelles de toute une parentèle à laquelle je ne comprenais rien. Et comme il n’aimait pas rester sans rien faire, il nous apprenait à tisser des filets pour les volières ou à nouer des tapis dont il dessinait lui même les motifs et qui devaient décorer nos chambres. On trouvait dans la bibliothèque des livres passionnants qui nous plongeaient dans des mondes étranges :

        Une énorme Bible rouge illustrée par Gustave Doré, 


        de vieux numéros reliés de l'Illustration,


        ou l'Album de la Grande Guerre...




        Mais la plupart du temps nous étions dans le parc. On allait sur les douves en bateau, on péchait des carpes depuis le petit pont, on faisait de la poterie avec la terre remuée par les taupes. Avec nos lance-pierres, nous dégommions tout ce qui bougeait, piafs ou grenouilles. On s'amusait également à lancer les poules dans les arbres, et à disperser puis à rassembler le troupeau de moutons comme auraient fait des cow-boys dans le far-west. Le plus intéressant, c'était d'aménager des "camps", des repaires où ne venaient pas les parents et si possible dans des endroits plus ou moins interdits comme la tour, le bûcher ou la bergerie.

        Il y avait encore quelques lieux magiques : comme le parc était assez grand, nous avions du mal à nous y repérer. Nous avions une fois trouvé dans les bois les vestiges d'une cabane trés élaborée que des cousins plus agés avaient abandonnée. C'était un ouvrage bien au dessus de nos capacités physiques et même de notre imagination. Mais il était si bien caché, que parfois nous passions tout le week-end à le chercher!

        La cave aussi me fascinait. C'était un labyrinthe  sans fenêtres qui traversait le sous-sol du chateau d'est en ouest, où l'on stockait des bouteilles et du bois. Il fallait tatonner dans le noir pour trouver de rares interrupteurs, et certaines parties se franchissaient sans lumière, en rasant les murs. Le pire de l'épreuve n'était pas tant les chauve-souris qui s'échappaient au dessus de nos têtes, que l'angoisse de tomber dans le puits, un trou creusé à même la terre battue et où s'était noyé notre chien de garde préféré.

        Mais la caverne d'Ali-Baba, c'était les combles! comme dans tous les greniers des vieilles maisons, on y trouvait des frusques pour se déguiser, des jouets bancales, des livres démodés, des vieilles photos, des lampes à pétrole, des raquettes de tennis, des fleurets pour l'escrime et même un révolver !

        Quand nous recevions des invités, nous organisions des jeux de pistes avec des épreuves perilleuses  dans le Wellingtonia, le sous-bois de cèdres ou le Bain des Dames, et de mystérieuses énigmes autour d'une fenêtre murée, une pierre tombale ou l'entrée cachée d'un sous-terrain mythique.

        C’est dans ce décor anachronique et désuet, dans ce vieux domaine qui n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir ou un rêve, parmi les fantomes de tous ceux qui avaient vécu là avant nous, que j'ai appris le gout du passé, de la patine des objets usés, des saisons, de la rêverie sur ce qui disparait et sur ce qui demeure, sur ce qui peut ou ne peut pas durer...