Pythagore commençait par
étudier la physionomie des jeunes gens qui se présentaient comme disciples, en
grec « ephysiognohmonei ». Ce mot signifie connaître les moeurs et le
caractère de l'homme d'après les traits du visage, la forme du corps et tout
l'extérieur de l'individu. Lorsqu'il avait trouvé un sujet capable, Pythagore
l'admettait aussitôt dans son école, où le nouveau disciple devait garder le
silence pendant un certain temps. Ce temps n'était pas de même durée pour tous;
il était proportionné au plus ou moins de capacité de chacun. Le disciple qui
gardait le silence écoutait attentivement ce que disaient les autres; il ne
pouvait ni demander l'explication de ce qu'il n'avait pas saisi, ni commenter
par écrit ce qu'il entendait. Au reste, ce silence ne durait pas moins de deux
ans. Ceux qui subissaient cette première épreuve étaient désignés par le nom
d'auditeurs « akoustikoi » : mais lorsqu'ils avaient appris les deux
choses les plus difficiles de ce monde, écouter et se taire, lorsqu'ils avaient
développé leur intelligence par ce long silence que l'on appelait discrétion « echemythia »,
ils pouvaient parler, interroger, écrire ce qu'ils avaient entendu, et émettre
leur opinion. On les appelait alors « mathehmatikoi »,
mathématiciens, du nom des sciences qu'ils avaient commencé à étudier et à
méditer : car les anciens Grecs, appelaient « mathehmata » la
géométrie, la gnomonique, la musique et les autres connaissances du même ordre.
Aujourd'hui le vulgaire appelle mathématiciens des hommes qu'il serait plus
juste de nommer Chaldéens, d'après le pays dont leur science tire son origine.
L'esprit orné de ces connaissances, les disciples étudiaient les merveilles de
l'univers et les principes de la nature : alors ils prenaient le nom de « physikoi »
physiciens. Après m'avoir donné ces détails sur l'école pythagoricienne : «
Maintenant, s'écriait mon ami Taurus, les jeunes gens qui abordent l'école
comme des profanes, non seulement ne se sont jamais exercés à la spéculation,
non seulement n'ont aucune teinture des lettres et des sciences, mais encore
ils donnent au maître la méthode qu'il doit suivre pour leur instruction. L'un
dit : "Enseignez-moi d'abord ceci"; l'autre : "Voilà ce que je
veux apprendre, et non cela". Celui-ci veut commencer par le Banquet de
Platon, pour y voir l'ivresse d'Alcibiade; celui-là par le Phédre, à cause du
discours de Lysias. Il en est, ô Jupiter! qui veulent lire Platon, non pour se
rendre meilleurs, mais pour former leur style; non pour être plus sages, mais
pour donner plus de gràce à leur élocution".
Telles étaient les
réflexions de mon ami Taurus, comparant nos jeunes philosophes avec les anciens
pythagoriciens. Nous ne devons pas oublier qu'une fois reçus dans l'école de
Pythagore, les disciples mettaient en commun leur patrimoine et leurs revenus,
formant ainsi une société indissoluble qui était l'image de cette antique
communauté de biens que l'on appelait, en droit romain, "ercto non
cito", héritage non partagé.
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