Le notaire royal
Oui, notaire royal - De plus homme d'honneur. - Cela s'en va sans dire
, Molière, Éc. des maris, III, 5.
On trouve de nombreux notaires royaux dans la généalogie Lemerle. C'est pourquoi j'ai trouvé utile de rassembler quelques informations sur le sujet.
Rédigeant et
authentifiant les actes engageant deux parties, les notaires jouent un
rôle essentiel dans la société depuis deux millénaires. A l’origine
secrétaire d’un riche citoyen romain, le notarius va voir son statut
évoluer et être investi par une autorité au nom de laquelle il exerce :
le roi, un seigneur, ou encore un évêque.
Jusqu’à la fin du XVIe siècle, le notaire
n’était qu’un des quatre intervenants – aux côtés du tabellion, du
garde-notes et du garde-scel – dans la production d’actes privés : leur
authentification ne lui incombait pas encore, puisqu’elle demeurait le
fait du « garde du scel royal établi par le roy aux contrats de la
chancellerie du pays et duché », et le devenir de l’acte,
produit en un unique exemplaire original, lui échappait totalement dès
la rédaction achevée.
L’édit de Villers-Cotterêts,
daté de 1539, est fondamental pour le notariat car il institue des bases
solides pour le métier, qui sont encore respectées aujourd’hui :
l’obligation de rédiger les actes en français (jusque là le latin était
majoritairement utilisé) et de conserver ses minutes ainsi que celles de
ses prédécesseurs de manière pérenne.
À partir de 1597, Henri IV, soucieux d’homogénéiser les statuts afin de
mieux maîtriser la vénalité des offices, incorpore les notaires royaux
héréditaires au domaine royal, avec les « droits, profits et revenus
attribuez aux tabellions et garde-notes »
Le
notaire royal agit donc au nom du roi ; les actes qu’il valide feront
foi devant la justice. Par conséquent, n’est pas notaire qui veut. Il
faut pour cela remplir certaines conditions, notamment satisfaire à une
enquête de bonne vie et mœurs, être de religion catholique et bien sûr
recevoir des lettres de provision d’office de la part du roi. Cet office est une charge vénale : afin de pouvoir l’exercer, le notaire
achète sa charge au roi. Ce système, étendu à d’autres domaines dans
lesquels le roi délègue un pouvoir, permet à la monarchie de s’assurer
d’importants revenus.
Le droit de marc d’or des offices était une
taxe censée correspondre au droit de serment reçu au nom du roi par un
officier du siège royal auprès duquel des notaires avaient été créés. Il
variait suivant la valeur de la finance de l’office et reflétait
globalement l’honneur et le rang qu’il conférait à son titulaire ]Jean Nagle, Le droit de marc d’or des offices, Genève, Droz,….
Sous Louis XIV et Louis XV, ce droit s’élevait invariablement à
42 livres pour les notaires à la résidence de Montluçon, qu’ils fussent
attachés à la ville proprement dite ou à la châtellenie tout entière.
Cela atteste également le rôle de siège subalterne de juridictions
royales qu’occupait Montluçon, située entre les gros bourgs (marc d’or
de 27 livres) et les villes moyennes, chefs-lieux de bailliage ou sièges
de petits évêchés (marc d’or de 54 livres). Si
l’on se réfère à cette taxe, on constate qu’un notaire royal à
Montluçon paie presque deux fois moins qu’un confrère à la résidence de
Moulins (81 livres). Inversement, un notaire de Montluçon s’acquitte
d’un droit sensiblement plus élevé que ses confrères aux résidences
d’Hérisson et de Saint-Amand (27 livres), qui sont également sièges de
châtellenie.
À partir de 1597, les notaires royaux deviennent propriétaires à demeure
de leurs offices et ont la faculté de les transmettre librement à leur
héritiers, après paiement de la taxe d’hérédité. La vente des offices
n’en fait pas moins l’objet de contrats en bonne et due forme,
généralement passés par-devant notaire ou, plus rarement, sous seing
privé ou par voie d’adjudication en justice. En 1722, la casualité est
rétablie pour tous les offices, et ce, jusqu’en 1743, année où les
notaires obtiennent le retour au régime héréditaire antérieur.
Dans son étude du notariat français, M. Moreau
a souligné combien les notaires étaient pléthoriques dans la France
d’Ancien Régime Alain Moreau, Les métamorphoses du scribe. Histoire du notariat….
À la veille de la Révolution, le ratio s’établit en moyenne à un notaire pour
1 000 à 1 500 habitants dans les grandes villes. L’encadrement notarial, traditionnellement plus fort dans les petites
villes que dans les grandes.Sous
Louis XIII et plus encore lors de la régence d’Anne d’Autriche, le
nombre de notaires avait été multiplié déraisonnablement pour augmenter
les ressources du Trésor royal.
Au
début du gouvernement personnel de Louis XIV s’ajoutent les effets
pervers de la politique d’un Colbert soucieux de relever les finances de
l’État. Sous prétexte d’assainir la situation créée par ses
prédécesseurs, le contrôleur général des finances met les officiers
royaux sous pression par les édits de 1663 et 1664 Ludovic Langlois, La communauté des notaires de Tours...,….
L’édit de réduction d’avril 1664 impose l’extinction de tous les
offices vacants et le rachat des offices appelés à vaquer par mort, de
sorte qu’il ne demeure plus qu’un notaire royal par paroisse de 60 feux.
Pour la ville de Montluçon (plus de 1 000 feux), quatre offices
seulement furent réservés, alors qu’elle en comptait près du triple
depuis trente-cinq ans. Conformément à l’esprit de l’édit, ce furent les
notaires les plus jeunes qui bénéficièrent de la réserve.
La suppression de la moitié des offices, en 1664-1670, provoqua des
initiatives isolées et non le sursaut collectif qui aurait pu aboutir à
la création d’une communauté. Toutefois, la tourmente avait cessé :
conscient de l’émoi que l’édit de 1664 et ses avatars avaient
occasionné [20][20]Comme en d’autres provinces, les consuls et habitants,…, le Conseil du roi radoucit sa position moyennant finance.
Comme les huissiers, les greffiers et les procureurs, les notaires
appartiennent à la classe des praticiens de l'Ancien Régime, qui ne
suivent généralement aucune étude de droit. Leur formation repose donc sur la pratique juridique empirique.
Par l'acte illustrant cet article Catherine de Médicis
accorde à Antoine Gély de reprendre l’office de notaire à
Saint-Martin-Valmeroux, détenu auparavant par feu Jacques Delapierre.Il est à noter que la suscription de l’acte
(les premières lignes présentant la personne qui agit) qualifie
Catherine de Médicis de « royne de France » ainsi que de « duchesse
d’Auvergne ». La reine mère agit en réalité non en tant que reine de
France mais comme régente, son fils Charles IX n’étant déclaré majeur
que quelques mois plus tard, en août 1563. Quant à la deuxième
titulature, elle est volontairement inexacte. Il a bel et bien existé, à
différentes périodes du Moyen-Age et de l’époque moderne, un duché
d’Auvergne qui englobait Aurillac, Clermont et La Chaise-Dieu, mais ce
duché avait rejoint les possessions de la couronne suite à la mort de
Louise de Savoie, mère de François Ier, en 1531, et le titre n’était
plus porté en 1563. En revanche, Catherine de Médicis est héritière du
côté de sa mère du comté d’Auvergne, qui comprend la seigneurie de La
Tour d’Auvergne à cheval entre le Cantal et le Puy-de-Dôme actuels,
ainsi que Saint-Saturnin et Vic-le-Comte. Mais il va de soi que,
lorsqu’on est reine, il est préférable de se dire duchesse plutôt que
comtesse, d’autant plus que personne n’osera vous contredire…
Le
contenu même de l’acte est peu original. Il reprend les formules et
clauses habituelles des lettres de provision d’office : « avons donné et
octroyé, donnons et octroyons par ces présentes l’office de notaire
royal au lieu de St Martin de Valmarous au Hault-Auvergne […] et ledit
office avoir, tenir et doresnavant exercer par ledit Gély ». Il
reviendra à Antoine Gély de présenter ces lettres de provision au bailli
des Montagnes d’Auvergne, représentant du roi installé à
Saint-Martin-Valmeroux, afin de prendre définitivement possession de sa
charge. L’acte est daté du « VIe jour de avril l’an de grace mil cinq
cens soixante deux avant Pasques. » Cette précision finale nous rappelle
que la chancellerie royale établissait le début de l’année civile à
Pâques, et ce jusqu’en 1564. Il faut donc calculer que la période
comprise entre le 1er janvier et Pâques 1562 correspond pour nous au
début de l’année 1563. On ne sera pas étonné que ce document ne soit
pas décoré : les lettres de provisions d’office ne sont jamais
luxueuses. Il faut toutefois remarquer que les deux-tiers du parchemin,
cachés par le repli, sont vierges, alors que la matière est coûteuse.
L’incision à droite de la signature est le seul vestige de la présence
d’un sceau pendant fixé sur une bande de parchemin, appelée « double
queue » puisqu’elle dépassait des deux côtés du repli. Quant à la
signature elle-même, il s’agit bien sûr de celle d’un secrétaire, la
reine de France et duchesse d’Auvergne ne signant pas chaque acte passé
en son nom.
A lire également bien sûr l'article de l'oncle Baudot sur les archives notariales en France !
https://www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_1963_num_40_1_1717
Et aussi :
-
"Le notaire certifiant que les testatrices ont voulu faire une
disposition en sa faveur, il n'y a de prouvé que sa faute ; et sa
responsabilité en est la conséquence. Si les testatrices devaient savoir
qu'elles étaient ses créancières, devait-il ignorer qu'il était leur
débiteur ?" — (François-Antoine Vazeille, Résumé et conférence des commentaires du Code civil, sur les successions, donations et testamens, tome 2, Clermont-Ferrand : chez Thibaud-Landriot & Riom : chez Thibaud fils, 1837, p. 542)
(LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 142).