*

*

mardi 16 août 2011

ulzhan


A la frontière du Kazakhstan les douaniers lui demandent si il est un vagabond.  Petit à petit il se déleste de tout ce qui pourrait nuire à son besoin d’errance : il abandonne sa voiture au bord de la route, distribue son viatique à de mauvais compagnons de beuverie et se laisse voler son passeport.
Il se retrouve dépouillé et seul dans ce pays étranger : étrange pays de kolkhozes à l’abandon, de troupeaux sans bergers, de steppes sans nomades.
Il décide de découvrir à pied ce territoire inconnu, qui ne semble fait que pour être traversé, espace de transition entre une vie réduite de force à la sédentarisation par la démence d’un tyran mégalomane et une vie sauvage rendue impossible par la rigueur du climat.
Passant par des champs de pétrole où s’activent avec lenteur d’énormes colosses de fonte, des geôles couvertes de graffitis  hantés par des détenus politiques disparus, la crypte d’une église troglodyte recélant un crâne anonyme, il se mêle à de fraternels fantômes.
Mais le voyage, quand on a laissé son monde derrière soi, ne saurait se réduire à la découverte de lieux inconnus où vivent autrement d’autres hommes, le voyage c’est encore et surtout des rencontres.
Le premier compagnon de route est un colporteur qui vit du commerce des mots : il vend des mots venus d’ailleurs à des gens qui ne savent ni lire ni écrire, leur apportant des notions inconnues dans leur propre langue, des concepts qui ne sont pas les leurs. Un mot pour exprimer quelque chose entre la loi et le devoir. Un autre pour dire cette contradiction qui consiste à refuser ce que l’on désire…En quoi les hommes sont-ils étrangers les uns aux autres sinon par leur langue?
L’autre compagnon de voyage, c’est une femme.
Une jeune enseignante de français qui a tout appris dans les livres, et ne rêve pas d’aller en France. Elle est immédiatement prête à tout quitter pour suivre ce Français dont elle ignore tout, qui débarque de nulle part dans son village au bout du monde. Elle reconnaît immédiatement le destin dans cette rencontre parfaitement improbable. Elle ne le quittera pas tant qu’il ne lui aura pas dit ce qu’il cherche : elle veut connaître le secret de cet homme venu d’ailleurs dont le mystère la captive.
Son secret, le but de son voyage, il le cache comme un enfant, plié dans une vieille boîte en fer : une carte indiquant l’endroit où un peuple en marche pour l’exil aurait enseveli au début de notre ère son trésor, sa lumière, les textes fondateurs d’une civilisation aujourd’hui perdue, et une vieille photo.
Car l’autre but de son voyage c’est le contraire d’une rencontre :
il souhaite être et rester seul. Seul avec sa souffrance, sa douleur, son deuil. Peut-être même est-il venu pour mourir.
Le voyage est une quête de soi autant qu’une découverte d’autrui.  
Mais est-on libre de fixer le but d’une entreprise aussi hasardeuse qu’un voyage ?
    
(un film de Volker Schlöndorff avec Philippe Torreton et Ayana Yesmagambetova à voir en cliquant sur le lien ci-dessous)

Voir ULZHAN en streaming sur Lookiz


Aucun commentaire: