dimanche 26 juin 2016

Ausone - Lettre 15



AVSONIVS TETRADIO SAL. O qui uenustos uberi facundia sales opimas, Tetradi, cauesque, ne sit tristis et dulci carens amara concinnatio; qui felle carmen atque melle temperans torpere musas non sinis pariterque fucas quaeque gustu ignaua sunt et quae sapore tristia; rudes camenas qui Suessae praeuenis aeuoque cedis, non stilo: cur me propinquum Santonorum moenibus declinas, ut Lucas boues olim resumpto praeferoces proelio fugit iuuentus Romula? Non tigris <ut> te, non leonis impetu, amore sed caro expeto. Videre alumni gestio uoltus mei et indole optata frui. Inuitus olim deuoraui absentiae necessitatem pristinae, quondam docendi munere adstrictum graui Iculisma cum te absconderet, et inuidebam deuio ac solo loco opus Camenarum tegi. At nunc frequentes atque claros nec procul cum floreas inter uiros tibique nostras uentus auras deferat auresque sermo uerberet, cur me supino pectoris fastu tumens spernis poetam consulem, tuique amantem teque mirantem ac tua desiderantem carmina oblitus alto neglegis fastidio? Plectendus exemplo tuo, ni stabilis aeuo pectoris nostri fides quamquam recusantes amet. Vale. Valere si uoles me, peruola cum scrinio et Musis tuis.

Ausone à Tetradius, salut.
Ô toi, dont la verve féconde est nourrie de charmantes saillies ;
Tetradius, toi qui as soin que tes pages acerbes ne manquent ni d’enjouement ni de douceur ;
 qui, par un heureux mélange du fiel et du miel en tes vers, combats la torpeur de la Muse ;
 qui sais donner du charme aux pensées d’un goût trop fade aussi bien qu’à celles d’une âcre saveur ;
 toi qui surpasses enfin les muses grossières de Suessa, et qui leur cèdes pour l’âge, non pour le style :
 pourquoi, lorsque je suis si près des murs de Santonus, m’éviter comme autrefois la jeunesse romaine fuyant à la vue des bœufs de Lucanie dont la furie recommençait le combat ? Ce n’est pas un tigre, ce n’est pas un lion qui te poursuit ; c’est un tendre ami qui t’appelle.
 Je brûle de contempler les traits de mon élève, et de jouir à souhait de son esprit.
 Avec bien du regret autrefois j’ai dévoré la nécessité de ta première absence : les dures fonctions de l’enseignement te retenaient enfermé dans Iculisna, et je voyais avec douleur les trésors des Muses enfouis dans ce lieu solitaire et détourné.
 Mais aujourd’hui que tu brilles au grand jour, au nombre des plus illustres hommes et non loin de moi, aujourd’hui que le vent te porte notre haleine, et que ma voix peut frapper ton oreille,
 pourquoi, le cœur gonflé d’arrogance et d’orgueil, mépriser ainsi le poète-consul ? Moi qui t’aime, moi qui t’admire, moi qui aspire après tes vers, pourquoi, du haut de tes dédains, me négliger dans l’oubli ? Je te punirais en t’imitant, si mon cœur, toujours stable en sa foi, n’aimait encore l’ingrat malgré lui-même. Porte-toi bien et si tu veux que je me porte bien aussi ; accours avec tes tablettes et tes Muses.

Ausone - Lettre 14



Vale. Valere si uoles me, iam ueni.

Porte-toi bien ; et, si tu veux que je me porte bien aussi, viens vite.

Ausone - lettre 13




AYSONIOS PAULOI. Romaion hypatos aretalogoi ede poietei, Ausonios Pauloi: 

SPEUDE PHILOUS IDEEIN,

Ausone à Paulus. Le consul de Rome au péroreur ou au poète, Ausone à Paulus : 

Viens donc voir tes amis.

Ausone-Lettre 7



AVSONIVS THEONI, CVM EI TRIGINTA OSTREA, GRANDIA QVIDEM, SET TAM PAVCA MISISSET. Exspectaueram, ut rescriberes ad ea, quae dudum ioculariter luseram de cessatione tua ualde impia et mea efflagitatione, cuius rei munus reciprocum quoniam in me colendo fastidisti, inuenta inter tineas epistula uetere, quam de ostreis et musculis affectata obscuritate condideram, quae adulescens temere fuderam, iam senior retractaui. Set in eundem modum instaurata est satirica et ridicula concinnatio, saltem ut nunc respondeas nouissimae cantilenae, qui illam nouiciam silentio condemnasti. Ostrea Baianis certantia, quae Medulorum dulcibus in stagnis reflui maris aestus opimat, accepi, dilecte Theon, numerabile munus. Verum quot fuerint, subiecta monosticha signant: quot ter luctatus cum pollice conputat index; Geryones quot erant, decies si multiplicentur; ter quot erant Phrygii numerata decennia belli aut ter ut Eolidi mensis tenet ignicomus Sol; cornibus a primis quot habet uaga Cynthia noctes; singula percurrit Titan quot signa diebus; quotque annis sublimis agit sua saecula Phaenon; quot numero annorum Vestalis uirgo ministrat Dardaniusque nepos regno quot protulit annos; Priamidae quot erant, si bis deni retrahantur; bisque uiros numeres, qui fata Amphrysia seruant; quot genuit fetus Albana sub ilicibus sus et quot sunt asses, ubi nonaginta trientes, uel quot habet iunctos Vasatica raeda caballos. Quod si figuras fabulis adumbratas numerumque doctis inuolutum ambagibus ignorat alto mens obesa uiscere, numerare saltim more uulgi ut noueris, in se retortas explicabo summulas. Ter denas puto quinquiesue senas uel bis quinque, dehinc decem decemque uel senas quater et bis adde ternas. Septenis quater adde unum et unum; duc binas decies semelque denas, aut ter quattuor adde bis nouenis octonas quater, hinc duae recedant; binas ter decies, semel quaternas; et sex adde nouem uel octo septem, aut septem geminis bis octo iunge, aut, ne sim tibi pluribus molestus, triginta numero fuere cunctae. Iunctus limicolis musculus ostreis primo composuit fercula prandio, gratus deliciis nobilium cibus et sumpti modicus pauperibus focis. Non hic nauifrago quaeritur aequore, ut crescat pretium grande periculis, set primore uado post refugum mare algoso legitur litore concolor. Nam testae duplicis conditur in specu, quae feruentis aquae fota uaporibus carnem lacteoli uisceris indicat. Set damnosa nimis panditur area. Fac campum replices, Musa, papyrium. Nec iam fissipedis per calami uias grassetur Gnidiae sulcus harundinis, pingens aridulae subdita paginae Cadmi filiolis atricoloribus. Aut cunctis pariter uersibus oblinat furuam lacticor sphongia sepiam. Parcamus uitio Dumnitonae domus, ne sit charta mihi carior ostreis.
Ausone à Théon. Qui lui avait envoyé une trentaine d’huîtres, grosses il est vrai, mais combien peu ! J’attendais la réplique aux plaisanteries que je m’étais amusé à écrire sur ta négligence vraiment impie, et sur mes propres instances. Tu as dédaigné de remplir à ma considération ce devoir d’une mutuelle amitié. Mais j’ai retrouvé à demi rongée des vers une vieille épître où je te parlais avec une obscurité affectée des huîtres et des moules. Ces essais un peu hasardés du jeune homme, le vieillard aujourd’hui les a retouchés. La composition, quoique remise à neuf, a gardé sa forme satirique et burlesque : maintenant au moins tu répondras sans doute à ces refrains connus, après avoir condamné des nouveautés par ton silence. Ces rivales des huîtres de Baïes, ces huîtres que les vagues du reflux des mers engraissent dans les douces eaux des Médules, je les ai reçues, mon cher Théon, et le compte en est facile. Or, chacun des vers suivants en exprime la quantité. Il y en avait autant que l’index désigne de nombres en frappant trois fois le pouce ; autant qu’il y eut de Géryons, si on les multiplie par dix ; autant que feraient les dix années de la guerre de Troie multipliées par trois ; trois fois autant que le soleil couronné de flammes mesura de mois à la fille d’Éole ; autant que la lune voyageuse éclaire de nuits d’un croissant à l’autre ; autant qu’il faut de jours à Titan pour parcourir chacun des signes, ou d’années au lointain Phénon pour remplir sa carrière ; autant que d’années fixées au ministère des vierges de Vesta ; autant que dura d’années le règne du descendant de Dardanus ; autant que Priam eut d’enfants, si on en retranche deux dizaines ; autant qu’il y a de gardiens, si on en double le nombre, des oracles de l’Amphrysienne ; autant que la truie d’Albe engendra de petits sous les chênes ; autant qu’il y a d’as dans quatre-vingt-dix triens ; autant enfin que de rosses attelées à un chariot de Vasates. Si ces formules déguisées sous le voile de la fable, si ces nombres enveloppés des ambages de la science, échappent à ton intelligence étouffée sous une masse de graisse, tu sauras au moins compter comme le vulgaire : je vais donc te présenter ces quantités retournées sur elles-mêmes. il y en avait trois fois dix, je crois, ou cinq fois six ; ou deux fois cinq, puis dix et dix encore ; ou quatre fois six et deux fois trois ; ou quatre fois sept, plus un et un ; ou dix fois deux, et une dizaine ; ou trois fois quatre additionnées avec deux fois neuf ; on deux de moins que quatre fois huit ; ou deux fois treize et une fois quatre ; ou six et neuf additionnées avec huit et sept ; ou deux fois sept complétées par deux fois huit ; enfin, pour ne pas t’ennuyer plus longtemps, il y en avait trente au total. Les moules, qui accompagnaient les huîtres limoneuses, composèrent le premier service de mon repas. C’est un mets délicieux, goûté des nobles, et un aliment de peu de dépense au foyer du pauvre. On ne va pas le chercher au sein d’une mer orageuse, en bravant des périls qui en doubleraient le prix ; mais au bord des eaux, quand la vague s’est retirée, on le recueille sur le rivage, parmi les algues dont il a la couleur. Il est enfermé dans les cavités d'une double écaille, qui, lorsqu’elle est échauffée par les vapeurs de l’eau bouillante, laisse voir une chair blanche comme le lait. Mais devant nous s’ouvre une carrière trop chère à parcourir. Muse, suspends ta marche dans ces champs de papyrus. Arrêtons là le sillon que trace en son chemin le roseau de Cnide au pied fendu, qui va dessinant sur la surface de la page aride les traits noirâtres des filles de Cadmus, ou que, passant sur tous ces vers ensemble, l’éponge efface la sèche noire sous la blancheur du lait. Épargnons la vilenie du seigneur de Domnotonus ; ses huîtres nous coûteraient plus de papier qu’elles ne valent.