mercredi 7 janvier 2015

Aulus Gellius, Noctes atticae, Livre 1, chapitre 9

Pythagore commençait par étudier la physionomie des jeunes gens qui se présentaient comme disciples, en grec « ephysiognohmonei ». Ce mot signifie connaître les moeurs et le caractère de l'homme d'après les traits du visage, la forme du corps et tout l'extérieur de l'individu. Lorsqu'il avait trouvé un sujet capable, Pythagore l'admettait aussitôt dans son école, où le nouveau disciple devait garder le silence pendant un certain temps. Ce temps n'était pas de même durée pour tous; il était proportionné au plus ou moins de capacité de chacun. Le disciple qui gardait le silence écoutait attentivement ce que disaient les autres; il ne pouvait ni demander l'explication de ce qu'il n'avait pas saisi, ni commenter par écrit ce qu'il entendait. Au reste, ce silence ne durait pas moins de deux ans. Ceux qui subissaient cette première épreuve étaient désignés par le nom d'auditeurs « akoustikoi » : mais lorsqu'ils avaient appris les deux choses les plus difficiles de ce monde, écouter et se taire, lorsqu'ils avaient développé leur intelligence par ce long silence que l'on appelait discrétion « echemythia », ils pouvaient parler, interroger, écrire ce qu'ils avaient entendu, et émettre leur opinion. On les appelait alors « mathehmatikoi », mathématiciens, du nom des sciences qu'ils avaient commencé à étudier et à méditer : car les anciens Grecs, appelaient « mathehmata » la géométrie, la gnomonique, la musique et les autres connaissances du même ordre. Aujourd'hui le vulgaire appelle mathématiciens des hommes qu'il serait plus juste de nommer Chaldéens, d'après le pays dont leur science tire son origine. L'esprit orné de ces connaissances, les disciples étudiaient les merveilles de l'univers et les principes de la nature : alors ils prenaient le nom de « physikoi » physiciens. Après m'avoir donné ces détails sur l'école pythagoricienne : « Maintenant, s'écriait mon ami Taurus, les jeunes gens qui abordent l'école comme des profanes, non seulement ne se sont jamais exercés à la spéculation, non seulement n'ont aucune teinture des lettres et des sciences, mais encore ils donnent au maître la méthode qu'il doit suivre pour leur instruction. L'un dit : "Enseignez-moi d'abord ceci"; l'autre : "Voilà ce que je veux apprendre, et non cela". Celui-ci veut commencer par le Banquet de Platon, pour y voir l'ivresse d'Alcibiade; celui-là par le Phédre, à cause du discours de Lysias. Il en est, ô Jupiter! qui veulent lire Platon, non pour se rendre meilleurs, mais pour former leur style; non pour être plus sages, mais pour donner plus de gràce à leur élocution".
Telles étaient les réflexions de mon ami Taurus, comparant nos jeunes philosophes avec les anciens pythagoriciens. Nous ne devons pas oublier qu'une fois reçus dans l'école de Pythagore, les disciples mettaient en commun leur patrimoine et leurs revenus, formant ainsi une société indissoluble qui était l'image de cette antique communauté de biens que l'on appelait, en droit romain, "ercto non cito", héritage non partagé.

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