C'est ainsi que je suis tombé aujourd'hui sur une magnifique série de huit estampes érotiques datant des années 1830. Non signées, comme toujours dans ce genre sévèrement contrôlé par la censure de l'époque, elle sont attribuées compte-tenu de leur qualité supérieure à Utagawa Kuniyoshi, un grand maître auquel nous avons déjà consacré un article.
Ainsi toute publication relative à l'actualité, à des théories non orthodoxes ou subversives, à des rumeurs ou à des scandales, à l'érotisme, aux membres du gouvernement et tout ce qui concernait directement le shogunat Tokugawa ou la famille impériale était interdit.
Ces règles régissaient également la mode et les signes extérieurs de richesse propres à chaque classe de la société. Elles bannissaient le luxe et encouragaient la modestie et la frugalité afin de maintenir un système moral basé sur le confucianisme et de consolider la cohérence d'une société très hiérarchisée.
Le rôle du censeur ne se limite d'ailleurs pas aux aspects de politique ou de mœurs, mais aussi, par exemple, aux aspects les plus formels de l'expression. Ainsi, les réformes de l'ère Kensai visaient à lutter contre l'inflation et le luxe ostentatoire en interdisant, entre autres mesures, l'emploi d'un trop grand nombre de couleurs dans les estampes.
De façon plus anecdotique, mais très révélatrice de l'attitude des autorités envers le monde de l’ukiyo-e, les édits de censure allèrent, à partir de 1793, jusqu'à interdire de faire figurer le nom des femmes sur les estampes qui les représentaient, à la seule exception des courtisanes du Yoshiwara. Ce qui donna lieu à un nouveau jeu intellectuel pour des artistes tels qu'Utamaro, qui continua à faire figurer le nom de intéressée, sous forme de rébus. Mais la censure réagit dès le 8e mois de 1796, en interdisant également les rébus .
Malgré toutes ces précautions Utamaro fut menotté pendant 50 jours pour avoir produit des estampes représentant la femme et les cinq concubines d'un célèbre personnage de l'histoire récente nommé Hideyoshi. Il est vrai qu'il avait par ce biais associé à un sujet libertin le monde politique de son temps .
A partir de 1790, le dessin préparatoire des estampes devait donc être soumis à un comité chargé de son approbation ou de son rejet, et porter le cachet du censeur qui en autorisait l'impression. Par décret la corporation des éditeurs eut obligation de désigner ses propres censeurs ( gyôji , juges). En 1842 cette auto-censure fut remplacée par des fonctionnaires appelés e-nanushi (maîtres des estampes) représentant le bakufu, c'est à dire le gouvernement judiciaire, qu'on appelle également le shogunat.
Le premier cachet dont la marque figure sur l'estampe par impression à partir du bois de trait fut d'abord le kiwame (qui signifie "approuvé") puis l'aratame ("examiné").
Le sceau de la censure a comporté à certaines époques des indications calendaires, qui en font un élément précieux pour la datation des estampes.
Quant à moi c'est la censure budgétaire que j'ai dû subir : mes moyens ne me permettant pas d'acquérir la série complète, j'ai choisi les deux suivantes, qui représentent toutes les deux des scènes d'ébats amoureux sur la terrasse et forment une assez jolie paire...
Bonjour,
RépondreSupprimerje suis la meme personne qui a laisse le commentaire pour l'article de Shunga et a parle d'un peintre "TSUKIOKA Yoshitoshi".
Ce matin j'ai trouve ses estampes de la serie de "Bijin-ga (jolies femmes)" au marche aux puces. Une piece coute 120.000 yen.
Je pense que vous achetez les estampes par Site Internet. Comme vous parez justement de "la censure budgetaire", j'aimerais bien savoir ils sont moins chers que on achete au Japon...
La premiere estampe que vous venez d'acheter m'a fait surprise. Car, la femme porte la robe de mariee !
Mais les visages des deux personnes amoureux sont tres jolis...