dimanche 27 février 2011

Musée de la calligraphie

     Aujourd'hui dimanche, je suis allé voir une exposition au Musée de la calligraphie consacrée à l'oeuvre de ChangAm Lee Sam-man (1770-1847) intitulée "Comme l'eau, comme le vent".





      L'expo illustre le style particulier de Lee Sam-man qui évoque la fluidité de l'eau, un thème présent dans toutes ses compositions : "Au bord de l'eau, les yeux tournés vers la lune", "La lumière de la montagne et la couleur de l'eau ", etc.
    Après avoir étudié la calligraphie auprès de Wang Xizhi en Chine et Kim Saeng à Silla, puis réinterprété les oeuvres célèbres de ses maîtres,  Lee Sam-man développa progressivement un style très personnel appelé le "yusuche".

     Mes photos sont assez mauvaises, mais c'est un vrai plaisir d'avoir le droit de se promener dans un musée avec son appareil photo.

      Si il ne fallait en garder qu'une, ce serait la dernière, pour  son dépouillement...











     Autrefois le dimanche matin, un vieux maître coréen donnait des leçons de calligraphie au musée Cernushi : le calligraphe n'est pas un peintre, nous disait-il. Et cependant son idéogramme du tigre doit être plus saisissant que la meilleure peinture de tigre, plus saisissant que le tigre lui-même si vous veniez à le rencontrer dans la réalité.


vendredi 25 février 2011

Lot de consolation

    Cette semaine Fuji Arts met en vente trois chef d'oeuvre de Hiroshige, qui malheureusement sont au dessus de mes moyens. Pour le plaisir, on se les regarde quand même :


Neige sur le village de Yamanaka, près de Fujikawa
Série : Images des panoramas célèbres
 sur la route des 53 relais du Tokkaido



Province de Mino, chutes de Yoro


Une rivière dans les montagnes enneigées, 1857
Série : Kisoji no Yamakawa
Montagnes et rivières de la route de Kiso
(mise à prix : 5.590 $ et il y a déjà une surenchère!)

    Alors pour me consoler, je me rabats sur cette estampe de Sadahide, beaucoup plus abordable, et pas tout à fait dénuée d'interêt...


Samuraïs en formation de combat, 1847 - 1852

jeudi 17 février 2011

Shunga-Kuniyoshi

     
     J'ai remarqué qu'à la veille du week-end les sites de vente en ligne ré-achalandent leurs vitrines, les internautes étant naturellement plus disponibles qu'en semaine .

    C'est ainsi que je suis tombé aujourd'hui sur une magnifique série de huit estampes érotiques datant des années 1830. Non signées, comme toujours dans ce genre sévèrement contrôlé par la censure de l'époque, elle sont attribuées compte-tenu de leur qualité supérieure à Utagawa Kuniyoshi, un grand maître auquel nous avons déjà consacré un article.

    Le développement des estampes, qui pour échapper à la monotonie évoluaient sans cesse tant en ce qui concerne les thèmes abordés que le style employé, a conduit le gouvernement japonais à édicter des règles de censure .  Il s'agissait de contrôler l'expression d'idées susceptibles de menacer le decorum, la sécurité, la moralité, ou de critiquer le pouvoir en place.

    Ainsi toute publication relative à l'actualité, à des théories non orthodoxes ou subversives, à des rumeurs ou à des scandales, à l'érotisme, aux membres du gouvernement et tout ce qui concernait directement le shogunat Tokugawa ou la famille impériale était interdit. 

    Ces règles régissaient également la mode et les signes extérieurs de richesse propres à chaque classe de la société. Elles bannissaient le luxe et encouragaient la modestie et la frugalité afin de maintenir un système moral basé sur le confucianisme et de consolider la cohérence d'une société très hiérarchisée.

     Le rôle du censeur ne se limite d'ailleurs pas aux aspects de politique ou de mœurs, mais aussi, par exemple, aux  aspects les plus formels de l'expression. Ainsi, les réformes de l'ère Kensai visaient à lutter contre l'inflation et le luxe ostentatoire en interdisant, entre autres mesures, l'emploi d'un trop grand nombre de couleurs dans les estampes.
 
     De façon plus anecdotique, mais très révélatrice de l'attitude des autorités envers le monde de l’ukiyo-e, les édits de censure allèrent, à partir de 1793, jusqu'à interdire de faire figurer le nom des femmes sur les estampes qui les représentaient, à la seule exception des courtisanes du Yoshiwara. Ce qui donna lieu à un nouveau jeu intellectuel pour des artistes tels qu'Utamaro, qui continua à faire figurer le nom de intéressée, sous forme de rébus. Mais la censure réagit dès le 8e mois de 1796, en interdisant également les rébus .

    Malgré toutes ces précautions Utamaro fut menotté pendant 50 jours pour avoir produit des estampes représentant la femme et les cinq concubines d'un célèbre personnage de l'histoire récente nommé Hideyoshi. Il est vrai qu'il avait par ce biais associé à un sujet libertin le monde politique de son temps .

     A partir de 1790, le dessin préparatoire des estampes devait donc être soumis à un comité chargé de son approbation ou de son rejet, et porter le cachet du censeur qui en autorisait l'impression. Par décret la corporation des éditeurs eut obligation de désigner ses propres censeurs ( gyôji , juges).  En 1842 cette auto-censure fut remplacée par des fonctionnaires appelés e-nanushi (maîtres des estampes) représentant le bakufu, c'est à dire le gouvernement judiciaire, qu'on appelle également le shogunat.
    
     Le premier cachet dont la marque figure sur l'estampe par impression à partir du bois de trait fut d'abord le kiwame (qui signifie "approuvé") puis l'aratame ("examiné").  
 
     Le sceau de la censure a comporté à certaines époques des indications calendaires, qui en font un élément précieux pour la datation des estampes.  
    
     Quant à moi c'est la censure budgétaire que j'ai dû subir : mes moyens ne me permettant pas d'acquérir la série complète, j'ai choisi les deux suivantes, qui représentent toutes les deux des scènes d'ébats amoureux sur la terrasse et forment une assez jolie paire...


lundi 7 février 2011

La grande bataille de Taiheiki

     Voilà j'ai encore craqué : je viens d'acheter une nouvelle estampe pour ma série "musha-e" (estampes représentant des guerriers).
   Pour être plus précis, cette estampe relève du genre "sensou-e" ( 戦争絵) qui désigne les estampes représentant des scènes de guerre et de bataille.
   Il s'agit d' un triptyque daté de 1862 et signé Utagawa Yoshikata dont on ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'il figure parmi les élèves de Kuniyoshi, et qu'il fut actif entre 1841 et 1864.

Taiheiki Dai Senjô,
La grande bataille de Taiheiki

     Le Taiheiki (太平記, littéralement Chronique de la grande paix) raconte les cinquante années de guerre et de chaos qu'a connu le Japon entre 1318 et 1368 au cours du Nanboku-chô ( période des cours du nord et du sud) suite à une division dans la maison impériale, entre la cour du sud (de Yoshino) et la cour du nord, (de  Kyoto) qui avait confié le rôle de shogun à Ashikaga Taka, autorisant ainsi la fondation du deuxième bakufu.
   On notera la magnifique composition de la scène, son caractère dynamique et dramatique : le visage du cavalier central est tourné à l'opposé de celui de sa monture dans une grimace furieuse, tandis que son adversaire désarçonné, restant dans sa chute agrippé à ses rênes, va rejoindre les corps des soldats qui jonchent le champ de bataille. Au premier plan, se détachant sur un pur ciel bleu, les chevaux effarouchés se cabrent dans un magnifique et fier mouvement auquel font écho dans le fond deux autres destriers aussi fringants. Dans le coin inférieur gauche, deux assaillants s'élancent pour attaquer le personnage central, annonçant une suite tumultueuse à ce combat sans merci : nous sommes en pleine action ! 
   Il existe un autre exemplaire de cette estampe au musée des beaux-arts de Boston, dans des tons plus sombres, qui lui donnent une atmosphère nocturne. 
 

 
 
 
   

jeudi 3 février 2011

Mes estampes - 6 - Shungas


     Une collection d'estampes ne serait pas digne de ce nom sans quelques shungas (春画) , littéralement "tableau printanier", ou pour être plus précis, scène érotique. Pratiquement tous les auteurs d'estampes en ont produit.
     Pour un occidental, la conception de l'amour au Japon, qui exclut toute notion de romantisme, est un peu déroutante. Si le sentiment amoureux s'y conjugue plus que partout ailleurs avec la passion, l'acte sexuel reste intimement lié au monde des sens, et c'est ainsi qu'il est représenté dans ses gestes les plus naturels, sans honte et sans fausse pudeur.
    Ma première acquisition en la matière est un petit recueil que j'ai trouvé dans une pile de vieux documents sans interêt, et que j'ai eu à un prix sans rapport avec sa valeur...
  Je poste ici les 3 plus belles pages qui sont encadrées...en attendant de retrouver les autres que j'ai  dû ranger quelque part !
Elles ne sont pas signées il m est donc difficile de savoir à qui les attribuer. Tout ce que j'ai pu découvrir de façon indiscutable c'est qu'elles sont fortement inspirées d'une série intitulée "Ehon tsui no hinagata" (絵本つひの雛形), traditionnellement traduit en français par "Modèles d'étreintes", réalisée en 1812 par Katsushika Hokusai (葛飾北斎). J'ai placé sous chacune de mes estampes la version originale d'Hokusai, parfois accompagnée d'une version en noir et blanc. Le lien de parenté est flagrant! Je ne serais pas surpris d'apprendre qu'il s'agit du travail de Yanagawa Shigenobu (柳川 重信, 1787–1832), un élève d'Hokusai, devenu son gendre puis son fils adoptif. En effet  la formation des artistes de l'époque au Japon passait largement par la copie d'oeuvres de leur maître, et en particulier des plus célèbres, épuisées par leur succès, et qu'il fallait ré-éditer.
C'est ainsi que face au succès de la série des "53 stations de la route du Tokkaido" publiée par Hokusai en 1804, qui comprenait à l'origine 51 estampes au format koban et 8 au format tanzaku-ban, une réédition fut réalisée dans laquelle les 8 longs tanzakuban furent remplacées par des copies au format koban signée Shigenobu. De même après le succès des "Héros du Suikoden", roman chinois traduit par Kyokutei Bakin et illustré par Hokusai à partir de 1805, les illustrations furent rééditées en volumes séparés en 1819 et 1829. Shigenobu en fit une version appelée "Kyoka Suikogaden" en 1830, directement inspirée de la version d'Hokusai datant de 1819.
Il est exclu que mes estampes soient une variation des fameux  originaux par Hokusai lui-même. La façon de représenter les yeux per exemple est totalement différente : les yeux sont de simples traits chez Hokusai alors que dans ma version il sont ouverts au contraire . La façon de peindre les bouches aussi fait fortement penser au style de Shigenobu. 















The title of this series, Tsui no hinagata, is a typical play on words.  Tsui(or tsuhi) can be read as 'couple' or 'male and female pairs' or it could be pronounced tsubi, an antiquated term for vulva. Hinagata can refer to 'patterns' such as interlocking kimonopatterns, or it can mean 'sample.' As such, the title could be read as something as innocuous as 'Patterns of Couples'or as lewd as 'Samples of Vulvas.'References:
Fukuda Kazuhiko, Ukiyo-e no higi ga, 1978, p. 101 Jack Hillier, The Art of Hokusai in Book Illustration, 1980, p. 166-169, no. 143

1-Katsushika Hokusai (葛飾 北斎 1760-1849)





2-Kikukawa Eizan (菊川 英山) 1787-1867





3- Kuniyoshi Utagawa (歌川 国芳, 1797  - 1861)



4- Ikeda Terukata (1883 - 1921)  池田輝方





     Ces troid estampes d'Ikeda TERUKATA (1883-1921) font partie d'une série fortement influencée par l'album d'Hokusai intitulé "La plante d'Adonis". Terukata s'est émancipé de la description classique du Yoshiwara, le quartier des plaisirs, pour une vision plus moderne et plus occidentale : le décor de l'arrière plan a disparu, le texte également, pour laisser toute la place aux corps qui débordent presque de l'image.


5 - DIVERS

Anonyme, Ecole Utagawa, vers  1850


Tanzaku : un poème érotique au recto
illustré au verso.



Antique Color Shunga print - ca. 1830s by 19th century artist (unsigned)


Anonyme - vers 1830


Toshikata MIZUNO (1866-1908)


Toshikata MIZUNO (1866-1908)

     A ces quelques estampes viennent s'ajouter 4 peintures.

    Les deux premières sont sur soie, anonymes, et datent de l'ère Meiji, fin du XIXè siècle :


 

    Les deux dernières attribuées à Eisen sont antérieures et datent de l'ère Edo, début du XIXè siècle.  
 
    Keisai Eisen (渓斎英泉1790 - 1848) se spécialisa dans les bijin-ga, ou « portraits de jolies femmes ».
     Il naquit à Edo dans la famille Ikeda et il était le fils d'un célèbre  calligraphe. Il fut apprenti chez Kano Hakkeisai, d'où lui vient le nom Keisai. Après la mort de son père, il étudia chez Kikugawa Eizan.
   Outre les nombreuses estampes qu'il produisit, il fut écrivain sous le nom de Ippitsuan, auteur des Quarante-sept ronin, dont nous avons vus quelques illustrations,  et Notes d'un vieil homme sans nom, où il se décrit lui-même sous les traits d'un ivrogne dissolu, et prétend avoir été en 1830 le tenancier d'un bordel situé à Nezu et qui brûla dans un incendie.



     Si la première peinture a quelque chose de burlesque, la seconde est en revanche une merveilleuse illustration de la passion charnelle. La blancheur de la peau éclate sur les draps rouges étalés devant un luxueux paravent où coule une rivière parmi les pins. Aux méandres du cours d'eau de l'arrière plan répondent la sensualité des plis du vêtement retroussé de la femme et la sinuosité de sa longue chevelure noire. Les visages des amants respirent le plaisir, et dans un contraste saisissant, au pâle et tendre enchevêtrement de leurs membres enlacés s'oppose la sombre violence crue de leurs sexes.