Une collection d'estampes ne serait pas digne de ce nom sans quelques shungas (春画) , littéralement "tableau printanier", ou pour être plus précis, scène érotique. Pratiquement tous les auteurs d'estampes en ont produit.
Pour un occidental, la conception de l'amour au Japon, qui exclut toute notion de romantisme, est un peu déroutante. Si le sentiment amoureux s'y conjugue plus que partout ailleurs avec la passion, l'acte sexuel reste intimement lié au monde des sens, et c'est ainsi qu'il est représenté dans ses gestes les plus naturels, sans honte et sans fausse pudeur.
Ma première acquisition en la matière est un petit recueil que j'ai trouvé dans une pile de vieux documents sans interêt, et que j'ai eu à un prix sans rapport avec sa valeur...
Je poste ici les 3 plus belles pages qui sont encadrées...en attendant de retrouver les autres que j'ai dû ranger quelque part !
Elles ne sont pas signées il m est donc difficile de savoir à qui les attribuer. Tout ce que j'ai pu découvrir de façon indiscutable c'est qu'elles sont fortement inspirées d'une série intitulée "Ehon tsui no hinagata" (絵本つひの雛形), traditionnellement traduit en français par "Modèles d'étreintes", réalisée en 1812 par Katsushika Hokusai (葛飾北斎). J'ai placé sous chacune de mes estampes la version originale d'Hokusai, parfois accompagnée d'une version en noir et blanc. Le lien de parenté est flagrant! Je ne serais pas surpris d'apprendre qu'il s'agit du travail de Yanagawa Shigenobu (柳川 重信, 1787–1832), un élève d'Hokusai, devenu son gendre puis son fils adoptif. En effet la formation des artistes de l'époque au Japon passait largement par la copie d'oeuvres de leur maître, et en particulier des plus célèbres, épuisées par leur succès, et qu'il fallait ré-éditer.
C'est ainsi que face au succès de la série des "53 stations de la route du Tokkaido" publiée par Hokusai en 1804, qui comprenait à l'origine 51 estampes au format koban et 8 au format tanzaku-ban, une réédition fut réalisée dans laquelle les 8 longs tanzakuban furent remplacées par des copies au format koban signée Shigenobu. De même après le succès des "Héros du Suikoden", roman chinois traduit par Kyokutei Bakin et illustré par Hokusai à partir de 1805, les illustrations furent rééditées en volumes séparés en 1819 et 1829. Shigenobu en fit une version appelée "Kyoka Suikogaden" en 1830, directement inspirée de la version d'Hokusai datant de 1819.
Il est exclu que mes estampes soient une variation des fameux originaux par Hokusai lui-même. La façon de représenter les yeux per exemple est totalement différente : les yeux sont de simples traits chez Hokusai alors que dans ma version il sont ouverts au contraire . La façon de peindre les bouches aussi fait fortement penser au style de Shigenobu.
The title of this series, Tsui no hinagata, is a typical play on words. Tsui(or tsuhi) can be read as 'couple' or 'male and female pairs' or it could be pronounced tsubi, an antiquated term for vulva. Hinagata can refer to 'patterns' such as interlocking kimonopatterns, or it can mean 'sample.' As such, the title could be read as something as innocuous as 'Patterns of Couples'or as lewd as 'Samples of Vulvas.'References:
Fukuda Kazuhiko, Ukiyo-e no higi ga, 1978, p. 101 Jack Hillier, The Art of Hokusai in Book Illustration, 1980, p. 166-169, no. 143
1-Katsushika Hokusai (葛飾 北斎 1760-1849)
2-Kikukawa Eizan (菊川 英山) 1787-1867
3- Kuniyoshi Utagawa (歌川 国芳, 1797 - 1861)
4- Ikeda Terukata (1883 - 1921) 池田輝方
Ces troid estampes d'Ikeda TERUKATA (1883-1921) font partie d'une série fortement influencée par l'album d'Hokusai intitulé "La plante d'Adonis". Terukata s'est émancipé de la description classique du Yoshiwara, le quartier des plaisirs, pour une vision plus moderne et plus occidentale : le décor de l'arrière plan a disparu, le texte également, pour laisser toute la place aux corps qui débordent presque de l'image.
5 - DIVERS
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Anonyme, Ecole Utagawa, vers 1850 |
Tanzaku : un poème érotique au recto
illustré au verso.
Anonyme - vers 1830
Toshikata MIZUNO (1866-1908)
Toshikata MIZUNO (1866-1908)
A ces quelques estampes viennent s'ajouter 4 peintures.
Les deux premières sont sur soie, anonymes, et datent de l'ère Meiji, fin du XIXè siècle :
Les deux dernières attribuées à Eisen sont antérieures et datent de l'ère Edo, début du XIXè siècle.
Keisai Eisen (渓斎英泉, 1790 - 1848) se spécialisa dans les bijin-ga, ou « portraits de jolies femmes ».
Il naquit à Edo dans la famille Ikeda et il était le fils d'un célèbre calligraphe. Il fut apprenti chez Kano Hakkeisai, d'où lui vient le nom Keisai. Après la mort de son père, il étudia chez Kikugawa Eizan.
Outre les nombreuses estampes qu'il produisit, il fut écrivain sous le nom de Ippitsuan, auteur des Quarante-sept ronin, dont nous avons vus quelques illustrations, et Notes d'un vieil homme sans nom, où il se décrit lui-même sous les traits d'un ivrogne dissolu, et prétend avoir été en 1830 le tenancier d'un bordel situé à Nezu et qui brûla dans un incendie.
Si la première peinture a quelque chose de burlesque, la seconde est en revanche une merveilleuse illustration de la passion charnelle. La blancheur de la peau éclate sur les draps rouges étalés devant un luxueux paravent où coule une rivière parmi les pins. Aux méandres du cours d'eau de l'arrière plan répondent la sensualité des plis du vêtement retroussé de la femme et la sinuosité de sa longue chevelure noire. Les visages des amants respirent le plaisir, et dans un contraste saisissant, au pâle et tendre enchevêtrement de leurs membres enlacés s'oppose la sombre violence crue de leurs sexes.