mardi 12 avril 2011

Quelques vers de Catulle, traduits par Mézigue



[2] Elégie sur l'oiseau de Lesbie


Petit oiseau, délice de ma  bien-aimée,
son compagnon de jeu, qu'elle tient sur son sein,
à qui elle offre le bout de son doigt,
et dont elle provoque les piquantes morsures,
quand sous le feu de mon désir
elle invente un jeu dont j'ignore le charme
soulageant ainsi sa douleur,
et  peut-être aussi son ardeur:
je voudrais moi aussi pouvoir jouer avec toi

et guérir ainsi les soucis de mon âme en peine!
IIfletus passeris Lesbiae


PASSERdeliciae meae puellae,
quicum luderequem in sinu tenere,
cui primum digitum dare appetenti
et acris solet incitare morsus,
cum desiderio meo nitenti
carum nescio quid lubet iocari
et solaciolum sui doloris,
credo ut tum grauis acquiescat ardor:
tecum ludere sicut ipsa possem
et tristis animi leuare curas
[3] Lamentation sur la mort de l'oiseau


Pleurez, Vénus et Cupidon,
et vous tous, amoureux de l'amour!
Le petit oiseau de ma bien-aimée est mort,
le petit oiseau, délice de ma  bien-aimée,
pour lequel elle aurait donné ses yeux!
Doux comme le miel, il était attaché à elle
comme un enfant l'est à sa mère;
Jamais il ne quittait son giron,
mais sautillant autour d'elle de-ci de-là
Il ne chantait que pour sa maîtresse!
Le voilà maintenant sur ce chemin ténébreux
dont  jamais on n'a vu revenir personne.
Malheur à vous, tristes ténèbres
qui dévorez jusqu'aux plus belles choses:
qu'il était joli le petit oiseau que vous m'avez enlevé!
O malheur! pauvre petit oiseau!
c'est à cause de toi si  les yeux de ma bien aimée
sont à présent ravagés par les larmes!
III. Luctus in morte passeris 


LVGETEo Veneres Cupidinesque,
et quantum est hominum uenustiorum:
passer mortuus est meae puellae,
passerdeliciae meae puellae,
quem plus illa oculis suis amabat.
nam mellitus erat suamque norat
ipsam tam bene quam puella matrem,
nec sese a gremio illius mouebat,
sed circumsiliens modo huc modo illuc
ad solam dominam usque pipiabat.
qui nunc it per iter tenebricosum
illucunde negant redire quemquam.
at uobis male sitmalae tenebrae
Orciquae omnia bella deuoratis:
tam bellum mihi passerem abstulistis
o factum maleo miselle passer!
tua nunc opera meae puellae
flendo turgiduli rubent ocelli.


[5]  À LESBIE

Vivons, Lesbie de mon coeur, et aimons-nous;
et avec insouciance faisons fi
des commentaires aigris de nos aînés.
Un soleil chaque jour peut mourir et renaître;
quant à nous, une fois éteinte notre fragile flamme,
il nous faut dormir une nuit éternelle.
Donne-moi mille baisers, puis cent;
encore mille autres, et une autre centaine;
Et puis encore un millier, et cent encore;
puis, après ces mille et ces cents,
nous en brouillerons le nombre, pour ne plus savoir,
et pour qu'un jaloux ne trouve à redire,
en sachant combien furent nos baisers!
Vad Lesbiam

VIVAMUS mea Lesbiaatque amemus,
rumoresque senum seueriorum
omnes unius aestimemus assis!
soles occidere et redire possunt:
nobis cum semel occidit breuis lux,
nox est perpetua una dormienda.

da mi basia milledeinde centum,
dein mille alteradein secunda centum,
deinde usque altera milledeinde centum.
deincum milia multa fecerimus,
conturbabimus illane sciamus,
aut ne quis malus inuidere possit,

cum tantum sciat esse basiorum.
[7] À LESBIE

Tu me demandes combien de tes baisers il me faudrait,
chère Lesbie, pour que j'en aie assez et plus qu'assez
un nombre avoisinant celui des sables de Libye
qui couvrent le sol de Cyrène où fleurit la férule,
entre l'oracle de Jupiter brûlant
et le tombeau sacré de l'antique Battus;
un nombre égal à celui des astres qui, quand se tait la nuit,
assistent aux furtives étreintes des humains,
autant te faudrait il donner de baisers
à ce fou de Catulle pour qu'il en ait assez et plus qu'assez,
pour que les curieux ne puissent les compter,
ni s'en emparer quelque mauvaise langue.
VIIad Lesbiam

QVAERISquot mihi basiationes

tuaeLesbiasint satis superque.
quam magnus numerus Libyssae harenae
lasarpiciferis iacet Cyrenis
oraclum Iouis inter aestuosi
et Batti ueteris sacrum sepulcrum;
aut quam sidera multacum tacet nox,

furtiuos hominum uident amores:
tam te basia multa basiare
uesano satis et super Catullo est,

quae nec pernumerare curiosi
possint nec mala fascinare lingua.

[8]  À LUI-MEME

Pauvre Catulle, cesse tes inepties,
et ce que tu vois perdu, tiens-le pour perdu à jamais.
Il fut un temps où le soleil pour toi brillait de mille feux,
quand tu courrais aux rendez-vous de cette femme
aimée de toi comme aucune ne sera jamais aimée.
Alors que de joies nous furent accordées!
ce que tu désirais elle ne le rejetait point,
Oui, le soleil pour toi brûlait alors de mille feux!
mais à présent elle ne veut plus,

et toi même impuissant tu ne veux pas non plus.
Ne poursuis pas celle qui te fuit,
ne sois pas malheureux,
mais dompte ton coeur, sois ferme, tiens bon.
Adieu, femme cruelle! déjà Catulle résiste,
contre ton gré il ne requiert ni ta présence ni ton attention.
Ton tour viendra de souffrir quand on t'oubliera.

Scélérate, sois maudite!
A quoi bon te sert d'être en vie?
Qui, maintenant, recherchera ta compagnie?

Qui te trouvera belle?
Qui aimeras-tu à présent?

De qui dira-t-on que tu es la maîtresse?
A qui donneras-tu tes baisers?

De qui mordras-tu les lèvres?
Quant à toi, Catulle, tiens bon fermement!
VIIIad se ipsum

MISER Catulledesinas ineptire,
et quod uides perisse perditum ducas.


fulsere quondam candidi tibi soles,

cum uentitabas quo puella ducebat
amata nobis quantum amabitur nulla.
ibi illa multa cum iocosa fiebant,
quae tu uolebas nec puella nolebat,
fulsere uere candidi tibi soles.


nunc iam illa non uulttu quoque impotens noli,
nec quae fugit sectarenec miser uiue,
sed obstinata mente perferobdura.

uale puellaiam Catullus obdurat,
nec te requiret nec rogabit inuitam.


at tu dolebiscum rogaberis nulla.

scelestauae tequae tibi manet uita?
quis nunc te adibitcui uideberis bella?

quem nunc amabiscuius esse diceris?
quem basiabiscui labella mordebis?

at tuCatulledestinatus obdura.


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